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Qu’elle était verte la vallée de Tsilanga, avant que des prospecteurs n’y trouvent la trace de l’or. Première incursion d’Arte en Afrique, la série Country Queen, baptisée Pour l’or de Tsilanga en version française, marie thriller politique, préoccupations environnementales et saga familiale. A voir jeudi à 23h35 ou sur le site arte.tv.

Appelée au chevet de son père (Raymond Ofula), Akisa (Melissa Kiplagat) retrouve son village natal avec appréhension. Son départ, dix ans auparavant, s’est en effet déroulé dans de très mauvaises circonstances et la jeune femme n’a pas oublié la douleur et l’humiliation vécues à l’époque. Devenue une organisatrice d’événements renommée, tout en étant la maîtresse d’un homme marié, sa situation à Nairobi n’est pas de tout repos. Toutefois, les tensions qu’elle découvre à Tsilanga sont bien plus fortes que ce qu’elle imaginait avant de prendre la route. Les prétentions d’une compagnie minière sur les terres de nombreux fermiers et habitants du coin créent des tensions au sein de la communauté et divisent le conseil des sages.

Entre gratte-ciel et campagne

Des gratte-ciel de Nairobi au village de Tsilanga, il n’y a que quelques heures de route. Ce sont pourtant deux mondes aux logiques et aux modes de fonctionnement très différents, mais parfois complémentaires. Le tiraillement entre modernité et tradition s’incarne à travers la parcours d’Akisa, jeune femme désireuse de trouver sa place et de forger son propre destin, qui peine à retrouver ses marques dans son village natal.

Dans le rôle de la patronne sans scrupules, uniquement préoccupée par la bonne santé de sa compagnie minière et de son compte en banque, afin de maintenir son train de vie, la comédienne Nini Wacera est formidable, campant une Vivienne Sibala retorse et vénéneuse à souhait. Or on sait que les fictions dépendent grandement de la qualité de leur (anti)-héros.

Mêlant les ingrédients du soap à des sujets plus politiques, Country Queen parvient à entrelacer les destins de nombreux personnages pour mieux rendre compte des multiples facettes de la vie au Kenya. Entre mégapole et campagne, politiciens et entrepreneurs, défis environnementaux et prospection minière, travail des enfants et problèmes d’héritage, corruption et fake news, ce sont les défis de nombreux pays africains qui sont abordés dans cette mini-série en six épisodes.

Entre soap et réalité

A cela s’ajoute la ruée vers l’or et les autres minerais précieux qui font de l’Afrique un territoire miné pour les plus démunis et un terrain de jeu où s’écharpent les plus nantis. L’ombre du conflit qui mine la RDC plane d’ailleurs sur le récit ainsi que les intérêts financiers très présents de compagnies européennes ou chinoises. Ce qui augmente la pertinence de la série.

Le poids de la réalité donne de la force et de la saveur à cette fiction qui rappelle à quel point la question de la propriété des terres et de l’exploitation minière sont centrales en Afrique. Utiliser les atouts de la fiction permet d’attirer davantage d’attention sur ces enjeux stratégiques, régulièrement mis en avant par de nombreux spécialistes tel Deogratias Niyonkuru dans son livre intitulé Pour la dignité paysanne.

Les traditionnels soubresauts qui alimentent les grandes sagas – amour, secrets, rivalités, enfant caché, jalousies, tensions, trahisons et captations d’héritage – viennent pimenter un récit qui peut constituer une porte d’entrée attractive sur un autre univers, une tout autre réalité. Et permettre ainsi de découvrir une Afrique loin des fantasmes et des images tronquées ou réductrices livrées par les chaînes d’info et les Journaux télévisés.

Créée par Lydia Matata, Oprah Oyugi, Wanjeri Gakiru et Kimani Waweru, cette coproduction germano-kényane, soutenue par Arte, est disponible en ligne et en diffusion classique mais à un horaire qui a de quoi refroidir les plus aventureux. La série est également disponible sur Netflix à l’international (hors de France).

Country Queen vient étoffer un éventail de fictions africaines qui parviennent à se faire remarquer sur la scène internationale, grâce à la politique d’ancrage territorial de Netflix notamment, on songe aux séries sud-africaines Blood and Water et Queen Sono, par exemple… Mais aussi à celles qui s’illustrent désormais dans les grands rendez-vous festivaliers hexagonaux : Black Santiago Club, exploration de la scène musicale de Cotonou, coproduite par le Bénin et le Sénégal, découverte à Séries Mania et Spinners, vue à CanneSéries, qui évoque l’essor d’un sport automobile extrême, le spinning et la vie des gangs dans la banlieue de Johannesbourg.

Prenant en compte le quotidien des populations locales, ces récits – au-delà des recettes de la fiction – tendent un miroir bienvenu à leurs ressortissants nationaux et un chemin d’accès à tous ceux désireux de mieux connaître les réalités d’Afrique.

Karin Tshidimba