Les deux mini-séries internationales présentées en première mondiale à Cannes combinent nouveau regard sur un classique du cinéma et/ou de la littérature et nouvelles héroïnes émancipées. Qu’en penseront les fans et les historiens ?

Les prochains mois vont permettre à une nouvelle génération de découvrir des classiques du cinéma et/ou de la littérature : Le Tour du monde en 80 jours de Jules Verne et le destin d’Elisabeth de Bavière, devenue impératrice d’Autriche sous le patronyme de Sissi. Dans les deux cas, il s’agit de mini-séries internationales ambitieuses nées de la collaboration de plusieurs diffuseurs et producteurs européens.
Deux nouveautés présentées aux acheteurs internationaux en avant-première mondiale dans le cadre du Festival CanneSéries, en partenariat avec le Marché international des contenus audiovisuels (Mipcom). Deux séries qui prennent leur distance avec le récit originel et mettent en avant des personnages féminins nettement plus en phase avec ce que l’on peut attendre en 2021.

Les faiblesses et les doutes de Philéas Fogg

Dans Le Tour du monde en 80 jours***, un nouveau trio est ainsi mis en selle. Il y a bien sûr Phileas Fogg et Jean Passepartout, son valet français, mais tous les deux ont été habilement redessinés afin d’offrir un profil moins monolithique à ses personnages. Quant au troisième larron, il s’agit en fait d’une jeune femme, Abigail Fix, bien décidée à prouver au monde entier qu’elle est une véritable journaliste et pas seulement la fille du fameux rédacteur en chef du Daily Telegraph, la jeune femme polie et effacée que la bonne société britannique imagine.

La formidable idée de cette nouvelle adaptation du célèbre roman de Jules Verne est de faire de Fogg non pas un aventurier dans l’âme mais un cerveau brillant et véloce un peu mal à l’aise face à ses contemporains. Même au sein du très sélect Reform Club, Fogg apparaît presque terne et en tout cas effacé, incapable d’organiser une telle expédition. Surtout s’il s’agit de se lancer à travers mers, plaines, désert et forêts. David Tennant est évidemment parfait dans ces mille et une nuances du doute…

Dans ce périple, chacun a des choses à se prouver: Abigail Fix face à son père mais Passe-partout aussi qui ne peut plus se contenter de fuir chaque fois que les choses se corsent. Le trio fonctionne à merveille et promet de grands moments d’aventures. Huit épisodes sont attendus sur France 2 et la RTBF.
Quant à la jeune comédienne allemande Léonie Benesch, découverte dans Le Ruban blanc et dans Babylon Berlin, elle prête son enthousiasme, sa lucidité et son culot à toute épreuve au personnage d’Abigail Fix.

Les ombres de la cour impériale

Peut-on indéfiniment reprogrammer, en fin d’année, la collection de films Sissi portée par la magnifique et troublante Romy Schneider ? Si les télévisions du monde entier ont longtemps songé que cette version fleur bleue et rose dragée du destin tourmenté de l’impératrice Elisabeth d’Autriche faisait partie intégrante des rendez-vous de fin d’année, au fil des ans, les audiences ont montré que le public ne rêvait plus forcément de princesse rayonnante et à peine effrontée filmée dans les années 50.

Le producteur Story House Pictures s’est donc lancé dans la revisite du mythe en confiant le projet au réalisateur Sven Bohse (Berlin 56 et Berlin 59) sur base du scénario écrit par le showrunner Andreas Gutzeit, épaulé par Robert Krause et Elena Hell.

Face caméra, la jeune Dominique Devenport, comédienne de théâtre, dont c’est le premier grand rôle en télévision, offre sa fougue, sa rébellion et sa détermination à la jeune « Sisi » face à un François-Joseph plus sombre, violent et tourmenté que le personnage auquel de nombreux films nous avaient habitués.
Très complice de sa partenaire suisse, l’acteur allemand Jannik Schümann s’est beaucoup amusé à faire ressortir la “part du stratège et du soldat” trop souvent laissée dans l’ombre lorsqu’on évoque le destin de l’empereur autrichien dans l’austère paysage viennois marqué par la révolution de 1848.

Qu’en penseront les fans et les historiens ?

Au fil des six épisodes de la première saison, les tensions et stratégies géopolitiques ainsi que les difficultés de la vie de couple – à une époque où le rôle des femmes était limité à de la représentation – sont largement explorés tout comme l’inventivité déployée par la toute jeune Sisi pour devenir la plus proche complice de son époux. Une série qui s’inscrit plus dans la veine de Bridgerton ou des Tudor que dans celle de The Crown et dont la gamme chromatique est très éloignée des couleurs pastel du conte de fées originel. L’idée est de se concentrer sur sa réputation de princesse rebelle, ébauchée par Romy Schneider, et de souligner son “côté aventurier et féministe”. Même si on se demande si, cette fois, Sisi ne risque pas de hérisser les historiens…

Story House Pictures, RTL Deutschland et Beta Film croient fermement en leur projet puisqu’une saison 2 est annoncée. La série a été achetée en France par TF1.

Karin Tshidimba, à Cannes