berlin 56.jpgBerlin 56*** Aux premiers abords, voici une série qui swingue et flatte le regard, entre glamour et vintage même si elle évoque une époque qui ne laissait guère d’autre choix aux filles que de se trouver un bon mari dans les meilleurs délais. Une activité à temps plein pour Madame Schöllack, propriétaire plutot rigide d’une école de danse de salon, qui compte bien voir ses trois filles contracter des unions enviables.

« L’instruction est à la femme ce qu’une longue vue est à la taupe », leur dit-elle fréquemment, uniquement préoccupée par les questions de bienséance et du rang à tenir en société. Lorsque Monika (Sonja Gerhardt, photo) est renvoyée de l’Institut des arts ménagers (sic), sa mère laisse exploser sa colère face à cette jeune « dinde dévergondée ».

Face à cette société qui oppresse les faibles et les femmes en particulier, Monika se sent à la fois ignorée et engluée dans un quotidien sans âme et sans perspective. Dans cette Allemagne de l’Ouest où la place de la femme est vissée au foyer et où la culpabilité et le non-dit sont largement répandus à travers toutes les couches sociales, Monika tente de se frayer un chemin vers la surface. La danse, sa passion secrète, va servir de détonateur à cette envolée vers la lumière d’une jeune fille gauche et effacée. Un cheminement en six épisodes à découvrir dès ce jeudi sur Arte.

berlin 56 1.jpgLa fureur de revivre

Contrairement à ce que pourrait laisser croire un générique coloré et endiablé, tout est loin d’être superficiel et léger dans cette chronique des années 50.
On y perçoit une société hantée par ses démons et par les horreurs commises durant la guerre – spoliation de biens juifs, délations, expériences illicites – dont certaines se poursuivent encore alors que de très nombreux Allemands à l’Est comme à l’Ouest vivent dans le déni du passé et de ses (rares) héros.

La société tout entière semble partagée. D’un côté, le rêve de la liberté et de l’émancipation et, de l’autre, la réalité hantée par le spectre de la faute et de la culpabilité. Face à ces deux pôles et à un quotidien étriqué, une génération de femmes (incarnée par les 3 soeurs Helga, Eva et Monika) navigue à vue et fait preuve d’une ambition débordante. Femme au foyer, femme de médecin ou professeur de danse, à elles de décider… Ensemble, elles luttent contre un enfermement et une solitude que l’on retrouve chez leur mère, caricatural dragon dont on découvre peu à peu les fêlures.

La musique comme détonateur

berlin 56 2.jpgBranché sur le son d’une époque de tous les changements, Berlin 56 (Ku’damm 56 en VO) s’intéresse à un curieux mais passionnant électrochoc : celui provoqué par l’irruption du rock’n’roll dans une partie de la société allemande au sortir de la Deuxième Guerre mondiale.

Le public allemand s’est montré très sensible à cette façon originale et perspicace de revisiter son histoire avec des parts d’audience oscillant entre 17,5 et 19,8 %. Ku’damm 56 a aussi été la fiction la plus demandée en VOD en Allemagne au cours de l’année 2016.

Vendue au Danemark, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Slovaquie, en Roumanie et en Estonie, la saga intéresse la Norvège, la Suède, la Finlande et l’Amérique latine. Sacrée Meilleure série européenne lors du Festival de La Rochelle 2016 la série d’Annette Hess va connaître une suite commandée par la ZDF et déjà en cours d’écriture. La nouvelle intrigue devrait se dérouler trois ans plus tard et être baptisée Ku’Damm 59.

* Ku’damm est le diminutif de la fameuse Kurfürstendamm Strasse, sorte de Champs Elysées berlinois où, en 1956, parade une jeunesse en quête de loisirs et de nouvelles sensations.

KT