Dans la saison 3 qui démarre ce soir aux Etats-Unis et sur Be TV,  Nic Pizzolatto renoue avec la trame et la patte artistique qui avaient fait son succès en… 2014.

Janvier 2019 saluera-t-il la renaissance de True Detective*** ? Après une saison 2 très critiquée, Nic Pizzolatto avait fait douter une partie de ses admirateurs de sa capacité à recréer un récit aussi envoûtant que celui distillé au fil de la 1e saison de True Detective, mondialement acclamée.

Portée par Matthew McConaughey et Woody Harrelson, la série avait, en quelque sorte, redéfini les standards du thriller moderne en imposant une patte artistique qui a influencé de nombreux polars jusque dans leur générique, mêlant rêves et images mentales en surimpression, comme ce fut le cas notamment avec celui de La Trêve en Belgique.

Les trois temps de l’enquête

Ancrée dans l’Arkansas, cette nouvelle enquête crépusculaire porte sur la disparition de deux enfants issus d’une famille mal en point. Un duo qui cache visiblement pas mal de secrets.

D’une saison à l’autre (la saison 1 et la saison 3 puisque la 2e saison adoptait un tout autre style), on reconnaît une filiation, tant dans la narration que dans la réalisation : un crime mystérieux, un duo d’inspecteurs complices mais très différents, les longs trajets-confessions en voiture, la petite communauté en état de choc, la défiance des enquêteurs entre eux (police locale versus FBI)… Ne manque que l’ambiance poisseuse de la Louisiane magnifiée par Cary Fukunaga…

Le récit est construit sur une triple temporalité : celle de l’enquête (dans les années 80), celle de la réouverture de l’enquête (dans les années 90) à la suite de la découverte de nouveaux éléments et celle du documentaire, réalisé en 2015, sur ce drame majeur qui a marqué les mémoires. Un laps de temps (près de quarante ans) qui permet de mesurer l’impact de cette affaire sur l’ensemble des protagonistes : parents, proches et forces de l’ordre.

Comme dans les précédents opus, campés à chaque fois par des acteurs et dans des lieux différents – c’est le principe de l’anthologie – cette saison 3 dresse, au passage, un portrait dense de l’Amérique profonde, l’Arkansas en l’occurrence, mais aussi le portrait d’un homme (Mahershala Ali) hanté par cette affaire tragique, cherchant son chemin dans les méandres de sa mémoire abîmée. Sans que l’on sache s’il souhaite vraiment se souvenir de ce qui s’est passé ou s’il en est (in) capable.

Magistral Mahershala Ali

Sur une musique originale signée T. Bone Burnett, le rôle de Wayne “Purple” Hays offre l’occasion à l’acteur Mahershala Ali de réaliser une triple performance saisissante. Stature athlétique et regard de lynx, Ali impose d’abord son profil de fin limier et ses qualités de pisteur, développées dans le contexte de la guerre du Vietnam. Avant de déchanter face à une enquête qui peu à peu s’enlise.

On notera d’ailleurs que dans la série House of Cards, le comédien promenait déjà ce regard pénétrant aussi magnétique qu’inquiétant dans le rôle du parlementaire Remy Danton. Pourtant c’est en homme vieillissant, hanté et désemparé qu’il imprime la rétine et se révèle le plus impressionnant. Comme si la recherche de la vérité l’avait à jamais isolé du reste du monde.

Jeremy Saulnier (Green Room, Blue Ruin) a réalisé 6 des 8 épisodes de cette saison 3 qui souffre cependant d’être visuellement souvent bien plus sage que celle mise en images par Cary Fukunaga (saison 1). Du moins à en juger par les cinq premiers épisodes que nous avons pu voir.

Karin Tshidimba

nb: Pour ceux qui n’auraient pas encore eu l’occasion d’admirer la prestation de Mahershala Ali dans Green Book des frères Farrelly – qui vient de lui valoir le Golden Globe du Meilleur second rôle masculin – sachez que le film sera en salles en Belgique à partir du 30 janvier. Pour mémoire, le comédien a aussi remporté, en 2017, l’Oscar du Meilleur acteur dans un second rôle pour Moonlight.

nb2: L’épisode diffusé ce dimanche dans la nuit (3h du matin) sur Be 1 sera également visible lundi à 20h30 sur Be1.