Alors que les deux premiers épisodes de la saison 2 de La Trêve seront présentés sur grand écran ce soir dans le cadre du Festival international du film francophone (Fiff) à Namur, Marc Janssen, responsable du nouveau pôle Fiction à la RTBF (séries belges, coproductions, cinéma, webcréation) nous a détaillé ses projets à court et long termes, avec parfums scandinaves et flamands, mais pas seulement… Entretien

« Notre objectif reste de maintenir un flux constant de quatre séries belges par an et si possible d’augmenter ce nombre. On ne peut pas encore les garantir mais on va y arriver. Et, si les projets continuent à progresser comme aujourd’hui, on devra peut-être un jour gérer le trop-plein. Mais ce sont des problèmes de riches donc on ne va pas se plaindre. »

Face à l’évolution de la production des séries belges, Marc Janssen se montre à la fois optimiste et prudent. Tout en reconnaissant que le problème reste bien financier avant tout…

Consolider le « business model » belge

« Le modèle de financement reste compliqué. Il faut être créatifs. On essaie d’aider les producteurs à voir s’il existe des façons innovantes de financer les séries belges. Arriver au budget de 3,3 millions pour les saisons 1 et 4 millions pour les saisons 2 reste un challenge. Proximus, Screen Brussels et Wallimage nous soutiennent, en fonction de leurs budgets et de leur ligne éditoriale. Il y a aussi le Tax Shelter mais d’autres tournages sont candidats aux mêmes fonds. Le montage financier de chaque série reste donc un peu un puzzle. Il y a des pièces relativement fixes, mais qui ne sont jamais totalement garanties, et c’est un vrai boulot pour les producteurs d’arriver à boucler les budgets. Nous voulons consolider ce business model. »

« Construire l’image de marque  des séries belges est fondamental”

Un domaine dans lequel Marc Janssen ne cache pas son admiration pour le modèle de BBC Studio.

« BBC Studio fonctionne comme une entreprise, comme un producteur à part : les contenus sont une entité à part, autonome. Ils ne fournissent pas que la BBC, d’ailleurs, mais aussi d’autres chaînes. Que ce soit Hakima Darhmouch à la Culture ou moi à la Fiction, on va essayer de gérer nos contenus RTBF comme des producteurs, en dialogue avec les éditeurs d’offre. En répondant à leurs demandes spécifiques : ‘Faites-moi quelque chose pour répondre à telles attentes de tel public.’ Il y a la volonté d’entrer dans cette dynamique-là. »

« Construire une image est fondamental. Il y a une grande curiosité économique et culturelle pour savoir qui, après les Scandinaves et les Israéliens, va émerger sur le plan international. C’est donc important pour l’image des séries belges que Netflix ait acheté La Trêve ou qu’ Ennemi public soit sur Sky qui est un grand groupe. Mais mon rêve serait que BBC4 sélectionne une de nos séries. Ce serait un label de qualité supplémentaire qui contribue à créer une marque. Les plateformes internationales sont un élément important de la construction d’une image. Elles cherchent du contenu local pour faire croire qu’elles sont ancrées dans chaque pays. Les séries belges sont faites par des Belges et pour des Belges et donc il faut rester maîtres de ce qu’on fait. D’où l’importance d’être robustes pour pouvoir nous permettre de choisir nos partenaires. »

Royaume-Uni, Scandinavie, Flandre…

Grand « admirateur, fan et consommateur de séries britanniques », Marc Janssen note d’ailleurs que la production américaine est actuellement en déclin. Une raison supplémentaire d’explorer d’autres horizons : le Royaume-Uni, mais aussi les pays scandinaves ou la Frandre.

« Nous voulons travailler sur des projets organiquement binationaux »

En compagnie de Sylvie Coquart, en charge de la fiction télévisée à la RTBF, il rentre d’un « study tour » scandinave effectué en compagnie de leurs homologues néerlandophones. Ce qui a permis de resserrer encore les liens entre RTBF et VRT.

« Nous avons l’ambition et l’objectif de nous ouvrir vers d’autres types de coproductions. Et la volonté de travailler sur des projets qui soient organiquement binationaux, mais il faut trouver le bon projet. Il faut que l’histoire impose ce type de collaboration. Nous avons déjà eu quelques collaborations artistiques : avec les trois réalisateurs d’ Unité 42 et les deux réalisatrices de Beau Séjour attachées à une prochaine série. Le pilote de la nouvelle série Unseen a été réalisé par Mathieu Mortelmans (Bastaard) et l’une des actrices est Veerle Baetens (Au-delà des murs). »

Une belle initiative, même si le public belge a encore peu l’habitude des fictions sous-titrées.
« On pourrait aiguiser les goûts du public et faire ce boulot de défricheur. On doit profiter du fait que de moins en moins de gens sont rebutés par les sous-titres. On peut anticiper et accompagner ce changement », insiste Marc Janssen avec conviction.

Entretien: Karin Tshidimba