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isabelle carré.jpgC’est le credo de la comédienne française qui préside le Jury Fictions et séries du 18e Festival de la Fiction TV de La Rochelle.

« J’ai accepté de devenir présidente du jury pour deux raisons. Parce que j’ai de très beaux souvenirs de l’accueil que le public de La Rochelle avait réservé à la fiction «Maman est folle» (2005) dans laquelle je côtoyais les migrants de Calais (photo). A l’époque, ils étaient 700 et c’était l’enfer. Aujourd’hui, ils sont 7000 et je n’ose pas imaginer la tournure concrète que la situation a prise. La deuxième raison est que je voulais me reconnecter avec le monde de la télévision, ses créateurs, réalisateurs, etc. Depuis que j’ai des enfants, je regarde moins la télévision, c’était une bonne occasion de m’y replonger. »

Et comme dans la sélection 2016 du Festival de La Rochelle, il y a une dizaine de séries européennes, cela permet à l’actrice d’ouvrir son « champ de vision au-delà de la création française ».

C’est chouette de pouvoir se plonger dans des oeuvres inédites et fortes. Je pense qu’aujourd’hui les chaînes osent davantage. Avant les frontières étaient beaucoup plus rigides entre la télévision et le cinéma. Il y avait beaucoup de fictions qui étaient le fruit de commande de chaînes pour des cases et des horaires précis.

isabelle carré 2.jpgOn retrouve davantage de thèmes sociaux ou délicats dans les téléfilms aujourd’hui.
« Auraient-ils leur place en salle ? Ce n’est pas sûr. Aujourd’hui, les films à gros budgets et les films à petits budgets se font plus facilement mais qu’en est-il de ceux que Pascale Ferran appelle les « films du milieu », porteurs de sujets sociaux ou familiaux ? Je pense qu’une partie de ces sujets arrivent en télévision et jouissent d’une meilleure caisse de résonance car il sont vus par bien plus de téléspectateurs qu’ils ne le seraient en salle. Il faut dire qu’auparavant on avait beaucoup de retard sur ces thématiques. C’est important de proposer des sujets plus audacieux, plus complexes parce que les chaînes voient que le public est au rendez-vous. »

La méthode Alain Resnais

La comédienne tourne en moyenne une fiction tous les deux ans. « Ce n’est pas un calcul de ma part mais cela se fait au gré des projets. J’ai commencé au théâtre et j’y serai encore fort présente cette année. Il a fallu que je fasse mes preuves sur le grand puis le petit écran où on apprend à travailler plus vite et avec une économie différente. »

Sur sa façon de consommer la télévision aujourd’hui, elle confie : « j’aime les DVD et les replay, afin de pouvoir choisir mon rythme de vision et de ne pas être prisonnière de l’attente de semaine en semaine. »

isabelle carré 1.jpgImpossible de visionner l’ensemble de la sélection en quatre jours de festival seulement. Les jurés ont donc reçu un certain nombre d’oeuvres en amont afin de programmer leurs dernières projections et de passer aux délibérations une fois arrivés à La Rochelle.
Mais cette vision préalable requiert des conditions optimales selon la comédienne. « Quand je visionne, je le fais à la manière apprise auprès d’Alain Resnais : je coupe mon téléphone, je ferme les rideaux et je ne me lève ni pour prendre à boire ni pour faire pipi. Une vision en immersion, en quelque sorte. »

Honneur à nos élus, vraiment ?

Si elle ne confesse aucune attente particulière, Isabelle Carré reconnaît aimer l’idée que les fictions sélectionnées la « surprennent et nous fassent des propositions différentes. On souffre un peu du formatage, c’est agréable de changer de personnages et d’univers. Il y a parfois des films plus fragiles mais qui tentent une nouvelle approche. Cette sélection est comme la rentrée littéraire : très éclectique. On y voit un sujet sur le harcèlement, d’autres sur le mal logement et sur l’endettement. C’est bien que la télévision s’empare des problèmes du quotidien. J’aimerais qu’il y ait des sujets plus politiques sur des chaînes comme TF1 ou France 2, cela pourrait faire la différence. »

En parlant de politique, début 2017, Isabelle Carré voyagera à Angers, Paris, mais aussi Aix et Lyon avec la pièce « Honneur à notre élue » mise en scène par Frédéric Bélier-Garcia. L’histoire d’une élue détrônée par un candidat, campé par Patrick Chesnais, qui s’autorise tous les coups bas. « C’est une pièce qui interroge notre clairvoyance, une question bien utile en cette période de précampagne, souligne-t-elle en souriant. »

Entretien: Karin Tshidimba à La Rochelle