Le cinéaste danois, Oscarisé avec son film Drunk en 2021, effectue une première incursion dans le domaine de la série avec ce thriller psychologique et familial en sept épisodes. A voir sur Be tv, dès lundi
Foule compacte et tendue sur les quais face aux ferrys. Ce 30 octobre est le jour du grand départ: le Danemark entame l’évacuation de la moitié de sa population. En raison de la montée irrémédiable des eaux, le pays cerné par la mer du Nord et la Baltique aura bientôt disparu. Le gouvernement préfère prendre les devants et forcer ses habitants à prendre les routes de l’exil. Mais face à l’afflux annoncé de réfugiés, les pays européens renforcent les contrôles aux frontières, exigeant permis de travail et garanties sur base de critères de formations et de rentrées financières. Une sélection au mérite en quelque sorte…
Dans sa toute première série, Thomas Vinterberg observe huit membres d’une même famille (frères, sœurs, beaux-frères, grands-parents et famille en partie recomposée) sûrs de pouvoir bien s’en sortir grâce à l’argent mis de côté ou à leur statut professionnel. Mais ce petit échantillon de gens privilégiés va rapidement déchanter face au chaos et aux nouvelles règles, forcément inhumaines, imposées par un monde d’après où la concurrence entre les individus fait rage.
Dilemme familial et diagonale du manque
Laura, notamment, est déchirée à l’idée de devoir choisir entre ses parents divorcés: Jacob, son père, architecte, en partance pour Paris avec sa nouvelle compagne et sa mère Fanny (Hélène Reingaard Neumann) journaliste encore fragilisée par leur séparation, envoyée en Roumanie. Son cœur est d’autant plus déchiré qu’elle est amoureuse d’Elias qui comme elle, s’apprête à boucler ses examens de dernière année au Danemark, avant de prendre la route vers la Finlande d’où est originaire la famille de sa maman.

Curieusement, il y a beaucoup de lumière et de profondeur dans cette équipée planifiée de personnes ordinaires forcées à l’exil et obligées de repartir de zéro. Families like ours observe le surgissement de sentiments très forts induits par l’imminence de la catastrophe et du voyage sans retour pour y échapper. Vinterberg s’attache à la façon dont chacun tente de préserver les liens patiemment établis et la prise de conscience que cela entraîne… ou pas.
Le cinéaste filme les innombrables dilemmes auxquels sont soudainement confrontés des millions d’habitants. Le sentiment d’absurdité et d’irréalité est d’autant plus fort que l’eau reste une menace lointaine que certains sont tentés d’ignorer.
On est d’emblée pris à la gorge par cette histoire qui parle de frontières qui se referment et de familles séparées de leurs membres les plus fragiles. Un contexte qui mêle le sauve qui peut de la crise Covid de mars 2020 et le chacun pour soi (ou presque) de la crise des subprimes. Le scénario a pourtant été imaginé par son auteur bien avant le Covid et la guerre en Ukraine…

Une famille face à la perte de ses privilèges
Il plane sur cette série un parfum de fin de règne, de fin du monde. La dystopie est d’autant plus effrayante qu’elle n’en est pas vraiment une… La catastrophe naturelle qu’elle évoque pourrait en effet bien advenir d’ici quelques années, seulement.
Les sept épisodes secouent et interpellent, malgré le prisme choisi de la famille et des sentiments. En se plaçant dans les pas de Laura (Amaryllis April August), de ses parents et d’Elias, séparés par les événements, mais aussi guidés par leurs rêves ou leurs prémonitions, le cinéaste parvient à capturer des ambiances crépusculaires irradiées de lumière. Autant de percées lumineuses dans un futur proche pourtant chaotique et sombre.
Pour enrichir son scénario, le réalisateur Thomas Vinterberg, oscarisé pour son film Drunk en 2021, a fait appel à Bo Hr. Hansen, complice de l’un de ses précédents longs métrages, en 1996. Ensemble, ils effectuent une première incursion dans le domaine de la série avec ce thriller psychologique et familial, qui s’inscrit dans la lignée de son cinéma qui interroge les liens personnels et la place des individus au sein d’une communauté.
Dérèglement climatique
Avec les menaces qui pèsent sur la paix en divers points du globe, le monde politique et économique détourne les yeux des problèmes environnementaux. Pourtant, ce sont eux qui vont nous rattraper par le bas du pantalon, comme nous le rappelle la série Families like ours. A peine les premières mesures de relocalisations sont-elles annoncées que les familles commencent à se déchirer, chacun accusant l’autre de se montrer égoïste et de ne penser qu’à lui…
On pense aux séries Paradise et Snowpiercer, sous certains aspects, mais surtout à Years and years qui décrivait bien la panique et le chaos généralisé provoqué par d’importants mouvements de populations et un afflux soudain de réfugiés. Face à une catastrophe naturelle due au réchauffement climatique, chacun est placé face à son sens des responsabilités et des priorités, à son altruisme et sa solidarité. La série explore aussi la façon dont chacun gère son rapport à la culpabilité.
L’intérêt est évidemment d’observer une nation riche et bien organisé, réputée pour l’attention accordée à ses citoyens face à la précarité et au délitement. La série nous touche même si, curieusement, elle ne parvient pas toujours à imposer ses craintes ou critiques sociales les plus sérieuses.
Karin Tshidimba
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