La vision de Years and Years***, la nouvelle création de Russell T. Davies crée une onde de choc à la fois puissante et durable. Imaginée bien avant les derniers déboires en date de Theresa May et Boris Johnson, elle leur offre un écho d’autant plus singulier qu’elle imagine une Grande-Bretagne post-Brexit dans laquelle la voix d’une dangereuse populiste (campée magistralement par la comédienne Emma Thompson) s’impose peu à peu. Une série d’anticipation familiale à voir ce samedi sur Be Séries, à 20h30

Emma Thompson, comédienne multiprimée met tout son talent au service d’un personnage très controversé : Vivienne Rook, une femme politique autodidacte aux idées extrêmes, qui attise les angoisses et les ressentiments des électeurs sous couvert de vouloir « faire entendre la voix de ses concitoyens ». Toute ressemblance avec des personnages politiques populistes existant en France, en Grande-Bretagne, en Italie ou aux États-Unis ne serait, bien sûr, nullement fortuite. Bien qu’explorant l’avenir proche de notre humanité (de 2019 à 2034), la série s’ancre dans ce qui constitue le creuset du temps présent : vagues migratoires, Brexit, dérives technologiques, réélection de Trump…

À quoi reconnaît-on une grande série ? À sa capacité à nous bousculer dans nos certitudes, à nous emmener loin de notre réalité ou, au contraire, à nous confronter de façon viscérale et singulière à nos peurs secrètes. À sa façon de nous poser des questions bien plus qu’elle ne nous livre de réponses, la série Years and years répond à toutes ces caractéristiques.

Peurs, humour et émotions

Years and years se distingue d’abord par l’acuité et le caractère visionnaire de son propos : la série est scénarisée par le célèbre Russell T Davies (créateur de Queer as Folk, Doctor Who) qui a déjà marqué de son empreinte l’univers sériel british. Portée par la formidable Emma Thompson, elle bénéficie en outre d’une réalisation d’une grande fluidité et d’un premier épisode ravageur qui nous entraîne en quelques minutes à peine au cœur d’un tourbillon d’émotions.
À peine les a-t-on rencontrés que l’on se sent happé par le destin bousculé des Lyons, cette famille de Manchester formidablement aimante et humaine, mais pleine de tensions et de contradictions.

Chacun tente d’imaginer au mieux son futur alors que la Grande-Bretagne vient de quitter l’Union européenne et que les temps s’annoncent pleins d’incertitudes. Le réalisme de la série est encore renforcé par un casting au sein duquel la diversité ne relève pas de la posture ou de la volonté de se conformer à un quelconque air du temps, mais d’un ancrage profond au sein d’une population profondément multiple et cosmopolite.

En choisissant de suivre le clan Lyons sur quinze ans et en les confrontant à des bouleversements majeurs – le Brexit n’est que la pointe extrême de l’iceberg -, Russell T Davies offre au public l’opportunité de réfléchir à son avenir proche entre points de rupture, pollution, politique de migration, faillite européenne, politiciens extrêmes et menaces d’instabilité mondiale.
Très impressionnant, le premier épisode n’est pas gai même si « la série n’est dénuée ni d’humour, ni d’optimisme », promet son créateur. Au fil des six épisodes, les Lyons sont nos guides dans ce futur proche qui nous fait peur mais pourrait nous réserver des bonnes comme des mauvaises surprises.

Karin Tshidimba

nb: Le trailer était déjà disponible ici