Avec “Rematch”, Arte se penche sur ce moment-pivot de l’Histoire contemporaine où, en 1997, le champion du monde d’échecs Garry Kasparov a été mis en difficulté par le super-ordinateur d’IBM, Deep Blue, anticipant une partie de nos craintes actuelles concernant l’intelligence artificielle.
”Aux échecs, il ne s’agit pas seulement de s’emparer du roi adverse, il faut surtout prendre l’ascendant sur l’esprit de votre adversaire.” A ce petit jeu-là, Garry Kasparov semble imbattable. Entraîné dès l’enfance par son père et coaché par sa mère, après le décès de celui-ci, le jeune Garry s’est peu à peu forgé un mental et un corps d’acier. Une armure censée lui permettre de se jeter avec plus de fougue, encore, dans la bataille. Une voie dans laquelle sa mère, à la fois fière de lui et persuadée de sa supériorité intellectuelle, l’encourage farouchement. Car à ses yeux, non plus, il ne s’agit pas seulement d’un jeu. “Aux échecs, deux armées se font face et un champ de bataille se déploie sur 64 cases” a coutume de dire Kasparov.
On estime qu’il existe 1327 possibilités d’ouvertures différentes aux échecs. La réactivité, le sens de la stratégie et la capacité de calcul sont donc des qualités indispensables pour tout bon joueur. En 1996, Kasparov, considéré comme l’une des intelligences les plus pointues au monde, bat le super-ordinateur d’IBM. Un an plus tard, au moment du match retour, Deep Blue est désormais capable de calculer 200 millions de coups par seconde… Un défi colossal pour un être humain, même si celui-ci dispose d’une capacité d’analyse hors du commun et d’une rapidité d’exécution phénoménale.
Le plus jeune champion du monde d’échecs de l’Histoire
Déterminé à “repousser les limites des échecs”, Kasparov accepte pourtant de relever un défi qui, dès 1997, semble préfigurer nos craintes actuelles à l’égard de l’intelligence artificielle. C’est cette résonance qui rend la série passionnante, d’autant plus que le succès d’Anya Taylor-Joy dans Le Jeu de la dame a (re)mis l’attractivité de l’échiquier sous les projecteurs. En suivant l’affrontement entre Kasparov et l’IA, le récit tente de décrypter les ressorts de l’un des cerveaux les plus véloces et étonnants de l’histoire de ce sport et l’un de ses plus jeunes champions du monde aussi. Une matière grise dont la toute-puissance semble toutefois inéluctablement menacée.
La série s’inspire de faits réels, tout en prenant quelques libertés narratives. L’événement ayant été largement médiatisé, les créateurs disposaient de nombreuses sources, sur IBM et sur Kasparov qui a, lui-même, abondamment commenté son match contre Deep Blue. Les créateurs Yan England, André Gulluni et Bruno Nahon voulaient toutefois “se réserver la possibilité de s’évader en inventant des personnages, pour faire de cette histoire une aventure” humaine, avant tout. Les parties d’échecs, en revanche, sont “totalement conformes à ce qui s’est passé” et ont d’ailleurs été validées par de grands maîtres internationaux de la discipline.
Dans cette création en six épisodes, on découvre un Christian Cooke (The Art of more) au profil d’athlète campant un Kasparov à l’intelligence rare, un compétiteur hors pair. C’est en grande partie grâce à sa prestation que la série a remporté le Grand prix de la compétition internationale en mars dernier à Séries Mania.
Face à Kasparov, Deep Blue, machine de plus de deux mètres de haut, est filmée comme une créature futuriste, possédant son propre souffle et son rythme : sorte d’être vivant qui impose sa présence, comme le faisait l’ordinateur dans le film 2001 l’odyssée de l’espace.
Homme fier et compétiteur né, Garry Kasparov, ne s’est jamais considéré comme vaincu, malgré les écueils et les revers, et a d’ailleurs consacré son énergie à de nombreux autres combats par la suite. Génie turbulent et farouche opposant à Vladimir Poutine, le grand défenseur des libertés vit toujours, aujourd’hui, en exil à New York.
Ce thriller captivant, conçu entre France et Canada, produit par Yan England et Bruno Nahon (Ainsi soient-ils) est également porté par Tom Austen (The Royals) et Sarah Bolger (Les Tudor).
Karin Tshidimba
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