Sulfureux et assez controversé, le thriller d’Adrian Lyne est revisité sous forme de série par Alexandra Cunnigham pour Paramount. Un délicat pas de deux où s’illustrent Joshua Jackson et Lizzy Caplan.

C’est l’un des films les plus iconiques et controversés des années 80. Un thriller sulfureux qui a joyeusement surfé sur la vague des Liaisons dangereuses et imposé un prototype de maîtresse particulièrement dangereuse, baptisée la bunny boiler en lien direct avec l’un des méfaits les plus sanglants d’Alexandra Forrest, interprétée par Glenn Close à l’époque. Personne ne ratera le discret clin d’oeil qui lui est adressé au cours de l’épisode 2 de la série produite par Paramount, découverte lors du Festival CanneSéries.

En choisissant de reprendre cette célèbre trame, Alexandra Cunningham a d’emblée défini l’enjeu de la nouvelle série : « retravailler la fin controversée du long métrage » imaginé en 1987 par Adrian Lyne (9 semaines 1/2). En lui offrant une version « débarrassée de certains clichés de genre », plus attentive à la représentation et « à la prise en compte de la santé mentale de son personnage principal féminin ». Une piste qu’évoquait déjà la comédienne Glenn Close après la polémique créée par le film lors de sa sortie. De quoi offrir une « nouvelle perspective » à ce thriller nommé six fois aux Oscars et devenu culte.

Glenn Close et Michael Douglas dans le film « Fatal Attraction » en 1987.

Quatre regards, deux temporalités

Si l’idée peut sembler saugrenue – mais conforme à la vague des remakes qui déferlent sur l’univers des séries – on est plutôt rassuré en découvrant Joshua Jackson et Lizzy Caplan face à la caméra de Silver Tree. Tous les deux se sont brillamment illustrés dans des fictions – The Affair, pour lui, Masters of sex, pour elle – explorant avec subtilité les liaison intimes tissées entre des adultes épris mais perdus. Fatal Attraction leur permet une fois encore de prouver l’étendue et la singularité de leur talent d’interprètes. Même si celui-ci n’est pas forcément mis au service de la meilleure des démonstrations.

Joshua Jackson et Lizzy Caplan dans la série « Fatal Attraction » sur Paramount+.

Si le personnage d’Alex Forrest a bien droit à une attention et un développement plus important, on ne peut toutefois pas dire que cela change radicalement le point de vue que l’on a sur son comportement. Le postulat de base reste le même : un engrenage fatal mène un « type bien sous tous rapports à payer très cher une erreur d’un soir » face à une femme obsessionnelle et dangereuse, résume Alexandra Cunningham. Et ce, même si les huit épisodes permettent de davantage explorer le point de vue d’Alex et son passé pour mieux appréhender les obsessions qui l’habitent.

La série s’offre le recul du temps. Dans les premières minutes, on découvre que Dan Gallagher a été condamné à 15 ans de prison pour le meurtre d’Alex Forrest et est sur le point de sortir de prison. Cependant, il est bien décidé à prouver à tous qu’il n’est nullement coupable des faits qui lui sont reprochés. Face à sa femme Beth (Amanda Peet) et à sa fille Ellen (Alyssa Jirrels), qui ont toutes les deux refait leur vie, Dan tente de renouer avec l’image de l’homme aimant et fiable qu’il était auparavant. Et le public cherche avec lui « l’identité du vrai coupable »…

Adoptant également le point de vue de sa femme, Beth et de leur fille Ellen, jeune étudiante en psycho qui tente de mieux cerner la personnalité de son père, la série creuse et compare, prolonge le suspense, mais ne change pas fondamentalement de cap.
L’idée de l’instabilité émotionnelle de la maîtresse demeure et même si les fondements en sont davantage explorés, cela ne rend pas le personnage forcément moins problématique. Disons que la série permet sans doute un traitement un peu plus nuancé mais pas forcément moins nébuleux, ou stéréotypé, du sujet.

Karin Tshidimba, à Cannes