Autour de l’adoption d’une petite fille noire par une famille blanche, Jack Thorne débusque les jugements hâtifs, les parti pris et met en lumière l’excellente Sarah Lancashire. Un drame britannique subtil aux résonances sociales à voir sur La Une, ce jeudi à 20h35.

Miriam Grayson, assistante sociale dévouée et fonceuse, a-t-elle commis une faute en confiant la petite Kiri Akindele à ses grands-parents biologiques ? Il ne s’agissait que d’une visite de quelques heures et pourtant les réticences des futurs parents adoptifs de la petite fille étaient manifestes.

Il faut dire que le passé troublé de Nathaniel, le père de Kiri, ne plaidait pas en faveur de contacts rapprochés avec sa fille. Mais Miriam (Sarah Lancashire, formidable de justesse) tenait absolument à ce que la fillette, sur le point d’être confiée aux Warner, famille blanche plutôt bourgeoise, reste en contact avec ses racines métissées. Passant outre l’avis de sa direction, elle décide d’organiser un rendez-vous entre la fillette et ses grands-parents.

Au soir de la disparition de Kiri, la vie de Miriam, considérée comme fautive par ses pairs, est propulsée sous le feu des projecteurs des médias et de la police, ses moindres faits et gestes sont sondés ainsi que ceux des deux familles impliquées dans le drame…

Jugements hâtifs et parti pris

Déshabillant les petits secrets et chemins de pensée de chacun, le scénariste Jack Thorne (Skins, Monstre sacré, The Eddy) propose une réflexion poussée sur l’adoption inter-ethnique et les préjugés qu’elle entraîne parfois au sein de la société britannique, notamment.
Au fil de quatre épisodes humainement très denses, les services sociaux, la police et le monde de la justice en prennent pour leur grade : chacun révélant ses limites et ses biais d’analyse lorsqu’il s’agit de se pencher sur les vies de ceux considérés comme « différents » parce qu’ils sont « étrangers ».

Entre la famille d’accueil « so chic » de Bristol et le père noir « délinquant », les opinions se forgent rapidement, les jugements et les accusations fusent. Tandis que la question ethnique ne fait qu’envenimer encore les ressentis de part et d’autre.

Habitué des sujets sensibles, qu’il analyse sous toutes les coutures, Jack Thorne s’amuse à déjouer les impressions, multipliant les points de vue et révélations pour que chacun se fasse sa propre opinion. Comme ce fut déjà le cas dans l’affaire du Monstre sacré de la télévision britannique, accusé d’agressions sexuelles.

À la manière d’un Ken Loach, Thorne plonge sa plume au plus profond de l’humain, révélant au passage l’harassant quotidien des travailleurs sociaux mais aussi les dessous et mécanismes parfois inconscients de l’adoption. Sans oublier les jugements hâtifs et lapidaires qui gangrènent nos sociétés et l’empêchent d’évoluer. La force de son écriture scénaristique réside dans son choix de ne pas rester à la surface des sentiments et de pousser, dès lors, tous ceux qui croient savoir à douter plus encore.

Mise en images par Euros Lyn pour le compte de Channel 4, la série Kiri portée par les formidables Sarah Lancashire (vue dans Happy Valley ) et Lucian Msamati (le grand-père Tobi) a remporté le prix du Panorama international lors du Festival Séries Mania 2018. Prix qui « a salué l’important message social et interculturel mis en avant » par le redoutable scénariste britannique.

Karin Tshidimba