Veep, The Thick of it, Yes Minister: de nombreuses séries ont réussi à marier politique et humour grinçant. Parlement, série franco-belge leur emboîte le pas.


Dix-sept. C’est le nombre d’Emmy Awards remportés par la série Veep créée par Armando Iannucci et diffusée sur HBO de 2012 à 2019*. On y suit le parcours ultra-chaotique de Selina Meyer, vice-présidente (VP) inconséquente des États-Unis, un rôle dans lequel la comédienne Julia Louis-Dreyfus a littéralement explosé les standards du genre, imposant une rythmique, des jeux de mots et un bagou incroyables. Preuve que même sous le couvert de la comédie, on peut dire beaucoup de choses sur nos sociétés et le besoin maladif d’y briller dont font preuve certains politiciens.

La grande force de Veep est de parvenir à célébrer le triomphe fictif de l’incompétence dans les plus hautes fonctions, alors que les événements, l’agenda et le fonctionnement de l’appareil politique qu’elle met en scène sont, eux, bien réels. Mêler réalisme et bévues est également le choix posé par la série Parlement coproduite par France Télévisions et Be tv. En dix épisodes, elle explore les coulisses méconnues des institutions européennes.

La réalité fait face à la fiction

S’inscrivant dans les pas d’un assistant parlementaire candide et débutant, la série s’offre un formidable poste d’observation des travers et réussites des institutions européennes. Car oui, l’amendement sur la fin de la mutilation des requins (le fameux finning) qui sert de fil rouge à cette première saison – on suit son parcours législatif de commission de concertation en séance plénière – est réel : il a été adopté par l’Union européenne en 2013.

À travers les déboires de Samy, on rit, on s’étonne mais, surtout, on en apprend beaucoup sur le fonctionnement du Parlement, les ressorts de la politique européenne et le fonctionnement de la « cuisine interne » entre Bruxelles et Strasbourg.

À mille lieues de l’engagement et du sérieux de séries comme The West Wing , par exemple, qui a brillamment décrypté les rouages de la Maison-Blanche ou Borgen qui a éclairé le fonctionnement des institutions danoises, Noé Debré et son équipe de scénaristes prouvent qu’on peut intéresser le grand public au destin de quelques Italiens, Allemands, Britanniques, Français et Belges se débattant dans la nébuleuse européenne. C’est la grande force de cette série qui remplit bien son pacte comique.

Mêler le vrai (les équilibres politiques, l’architecture complexe, les parcours législatifs, les marchandages, etc.) et l’humour grinçant, c’est le choix de nombreuses séries et émissions de satire politique qui jouent un véritable rôle didactique. Les Britanniques sont spécialistes de ce genre largement exploité dans des séries comme The Thick of it, dont Veep est l’adaptation américaine, ou la série Yes Minister. Avec Parlement , Français et Belges entrent dans l’arène pour la pédagogie et pour le rire.

Karin Tshidimba

*La série « Veep » a également remporté 12 autres prix majeurs aux États-Unis : Critics’ Choice, Screen Actors et Writers Guild Awards.