Le réalisateur Jean-Xavier de Lestrade revient avec un sujet brûlant : celui des relations opaques entre sphères politiques et lobbyistes dans le secteur agroalimentaire. Une série primée au Festival de la Rochelle, à suivre dès jeudi à 20h55 sur Arte. La comédienne Alix Poisson nous parle du rôle trouble qu’elle a accepté d’endosser.
Le monde des lobbies est une espèce de nébuleuse. Tout le monde en parle mais on ne sait pas qui travaille là, ni ce qu’ils font exactement… Si je vous dis : citez-moi un lobbyiste connu, personne ne peut le faire. En même temps, je suis sensible au fait qu’il est très difficile de faire bouger les choses, de prendre des décisions politiques et de gouverner. Parce qu’il y a cette nouvelle force qui entrave et empêche d’avancer. » Une force obscure dans laquelle la comédienne Alix Poisson s’est immergée sous les traits de Claire Lansel.
« J’étais déjà très interpellée par ce sujet (de scandale sanitaire) qui me révolte. Ça me met en colère de me dire que tout le monde est impacté sur la planète. J’ai appris plein de choses via le scénario et les recherches que Jean-Xavier de Lestrade et Antoine Lacomblez ont faites. Et de mon côté, j’ai rencontré plusieurs enquêteurs dont une journaliste d’investigation qui a pu me parler de cette porosité entre journalistes et politiques. Elle m’a décrit ce mélange de fascination et de dépendance ; elle m’a raconté des trucs incroyables. Elle a notamment fait une enquête sur les lobbies de la pêche et m’a parlé des pressions qu’elle a subies et de la façon dont cela s’est déroulé. J’ai été horrifiée même. Mais pour mon rôle, j’avais vraiment besoin de comprendre comment un journaliste politique se dit, un jour : je vais passer le Rubicon et travailler pour un lobby. »
Deux logiques, deux univers face à face
Au cœur de la série Jeux d’influence***, se dresse aussi un jeune loup, attaché parlementaire aux dents longues. « Claire et lui ont l’habitude de se côtoyer et de dealer des infos, il y a un petit côté chien et chat, presque jumeaux. Il y a une rivalité entre eux, ils sont tous les deux très ambitieux et s’utilisent l’un, l’autre » analyse le comédien Pierre Perrier.
« Romain Corso est un attaché parlementaire propre, carré, survitaminé, efficace. Pour l’imaginer, on s’est basé sur les nouveaux animaux politiques qu’on croise aujourd’hui qui sont des jeunes mecs capables de tout gérer en même temps : communication et marketing. Je me suis inspiré de leurs tics : parler très vite, jongler avec téléphone, e-mail… Il y a chez lui, une part plus obscure qu’on va découvrir plus loin dans les épisodes. Un côté chat sauvage. On découvre cette partie plus violente, moins policée chez lui. L’intérêt, c’était de voir la bascule entre les deux : Romain va être poussé dans ses derniers retranchements et cela va teinter la suite de l’intrigue. »
Après de nombreux rôles de mère plus ou moins équilibrée (Parents mode d’emploi, Parcours meurtrier d’une mère ordinaire, La disparition), Alix Poisson est ravie d’avoir changé de registre pour sa quatrième collaboration avec le réalisateur oscarisé Jean-Xavier de Lestrade.
« C’est très agréable de changer de terrain de jeu. C’est la première fois qu’on me propose un rôle de career woman, un personnage trouble. J’ai exploré des personnages écorchés, des femmes solaires. Je n’avais jamais eu ce genre de rôle, donc ça m’a plu, poursuit la comédienne. Au départ, Claire est dans une zone grise et je ne l’ai pas comprise tout de suite. J’ai dû l’apprivoiser car elle, aussi, est elliptique. Il y a des rôles avec lesquels on a des accointances immédiates. Les autres, il faut les apprivoiser. C’est comme un chemin qu’on connaît moins bien. Je la défends tout autant que les autres. Il y a des raisons très souterraines à son comportement. C’est très plaisant quand on trouve tout de suite son personnage. Pour d’autres, il faut creuser mais quand on y arrive, c’est très gratifiant. »
Entretien: Karin Tshidimba, à La Rochelle
Les six épisodes de la série sont déjà disponibles sur le site arte.tv
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