Le faible nombre d’écrits rend plus difficile le tri entre infos et intox concernant cette période historique. Pourtant, les historiens dénoncent les nombreux clichés qui semblent lui coller à la peau comme un vieux chewing-gum… La preuve par quatre clichés bien ancrés, pointés dans le livre de Justine Breton, « Un Moyen-Âge en clair-obscur ».

On ne compte plus les cottes de maille en coton et autres costumes anachroniques qui, à l’écran, marient le Moyen Âge à toutes les sauces et en font la principale fashion victim d’une tendance née avec Thierry la fronde et Robin des bois, popularisée ensuite par la fièvre Game of Thrones.

Un exemple célèbre ? Les costumes anachroniques de la série française KaamelottBien sûr, peintures et tapisseries constituent des sources d’inspiration non négligeables, mais l’attente du public est telle que quelques entorses à la réalité sont devenues monnaie courante. Ainsi, pas de chevaliers sans armures complètes même si, dans les faits, celles-ci ne se sont pas imposées avant les années 1300 ou 1400, soit bien après l’époque de la légende arthurienne. Mais Sire Kaamelott, tel qu’imaginé par l’acteur et scénariste Alexandre Astier, ne s’embarrasse pas de ce genre de détails…

Guerre éclair et justice expéditive

La brume permet de réduire les coûts de figuration en cas de grandes batailles comme dans « Game of Thrones ».

Au Moyen Âge, la justice est supposée cruelle et expéditive. Or la peine de mort, pourtant régulièrement mise en scène dans les films et les séries, était très rare. Dans les films et les séries, tout est fait pour marquer les esprits et glorifier notre époque censément plus humaine. Ainsi des batailles se déroulant dans la brume pour les mêmes obscures raisons… Obscures ? Pas tant que cela. Le but recherché est de créer l’illusion, tout en masquant le nombre réel de participants à ces batailles supposées d’anthologie. La brume ou la nuit noire, tout en accentuant le caractère inquiétant ou mystérieux, permettent en effet d’atténuer les détails et de suggérer des combats très impressionnants, sans pour autant faire exploser les coûts de production et de figuration.

Visages sales et sourires troués

« Les Visiteurs » le film de Jean-Marie Poiré reprend le cliché des personnages en partie édentés.

Régulièrement moquée et décriée, l’hygiène, notamment bucco-dentaire, médiévale est un sujet de plaisanterie récurrent dans les films et les séries. À l’encontre des réflexions opposées et nettement plus nuancées avancées par la recherche. Il suffit, pour s’en convaincre, de se souvenir de la dentition catastrophique de Jacquouille la fripouille dans le film Les Visiteurs (1993) de Jean-Marie Poiré. Là encore, il s’agit d’un procès d’intention totalement infondé, issu de notre conception de l’hygiène dentaire. Le sucre étant quasiment absent de l’alimentation médiévale et, tout particulièrement de celle des plus basses catégories sociales, la dentition d’un paysan du Moyen Âge s’avérait en réalité bien meilleure que celle de nombre de nos contemporains…

Vision condensée et romancée de l’Histoire

Avant tout explorateurs et commerçants, les Vikings sont pourtant souvent rattrapés par le cliché tenace, au sein du grand public, de leur violence supposée.

“Les Vikings sont réduits à leur facette de guerriers barbares et violents, alors même qu’il s’agit d’abord et avant tout d’un peuple d’explorateurs et de commerçants, comme le rappelle la série ‘1001 Moyen Âges’” souligne Justine Breton. Comme de nombreux films avant elle, la série Vikings met en scène une vision condensée et romancée de l’histoire viking, largement centrée autour du personnage légendaire de Ragnar Lothbrock, campé par l’acteur Travis Fimmel. Elle n’hésite d’ailleurs pas à superposer certains personnages historiques (les rois de France Charles II et Charles III ne sont plus qu’une seule et même personne, dans les faits) et à “aménager” certaines légendes médiévales, quitte à faire dresser les cheveux sur la tête de certains historiens. La série ne rechigne jamais à bousculer la chronologie des faits pour mieux servir son propre récit.

Karin Tshidimba

Un Moyen Âge en clair-obscur, Justine Breton, Presses universitaires François-Rabelais, 398 pp., 28€