La rencontre entre un écrivain en panne d’inspiration (Nicolas Duvauchelle) et un criminel supposé (Niels Arestrup) peut-elle donner naissance au roman de l’année ? La réponse est à trouver dans « Les Papillons noirs » à voir sur arte.tv


Après un premier roman remarqué, Adrien Winckler (Nicolas Duvauchelle) sèche devant son ordinateur. Son deuxième opus, à peine entamé, ne le passionne plus vraiment. En attendant que l’inspiration revienne le visiter, il accepte de raconter la vie d’illustres inconnus. Contacté par un curieux septuagénaire, Adrien découvre la vie troublante et ensanglantée d’Albert Desiderio (Niels Arestrup) et Solange (Alyzée Costes), l’amour de sa vie. Un couple à la Bonnie & Clyde qui aurait opté pour le dézingage de machos violents plutôt que pour le pillage de banques.

Deux vérités humaines face-à-face

Entre fascination et rejet, Adrien revisite son propre passé à l’aune des révélations d’Albert. Son récit pose la question de la recréation potentielle ou partielle des souvenirs, ce que l’on appelle communément « la part de fantasmes et de transformations de tout récit ». Albert noircit-il la réalité à dessein ou est-il vraiment ce serial-killer sans remords apparent comme il le prétend ? Ce détachement, feint par le vieil homme, produit aussi ses effets sur la psyché d’Adrien puisque celui-ci bâtit ses propres images sur base du récit d’Albert… Entre les deux hommes se dessinent les contours d’un face-à-face inquiet et tendu.

Adrien Winckler (Nicolas Duvauchelle) et Albert Desioderio (Niels Arestrup)

Cette tension et cette réflexion sont poussées à l’extrême par ses deux auteurs, Olivier Abbou et Bruno Merle : le roman, issu du récit d’Albert, va en effet sortir en librairie, en parallèle de la diffusion de la série sur Arte, afin d’en offrir le hors-champ et de poursuivre l’immersion du téléspectateur.

Avec sa violence stylisée et sa sensualité exacerbée, Les Papillons noirs adressent un clin d’œil aux giallos, ces thrillers italiens à la croisée de l’épouvante, de l’érotisme et de la cinéphilie, avec un petit côté « pop » en plus, façon Tarantino, affirmé tant à travers le rythme que de l’esthétique forcément saturée de couleurs. Même si l’exploration de l’enfance sacrifiée de Solange et d’Albert permet au public de mieux comprendre les abîmes qui les habitent et les drames qui se nouent ensuite.

Une réalisation volontairement onirique

En découvrant l’équipée sauvage et sensuelle d’Albert et Solange, on songe aux labyrinthes mentaux et esthétiques de Brian De Palma que la série semble explorer à travers des jeux de symétries, d’ombres et de lumières. Un travail onirique des plans, par transparence et clair/obscur, auquel nous avait déjà habitués la série Maroni créée par le même Olivier Abbou et où l’on perçoit, par endroits, l’ombre tutélaire du grand Alfred Hitchcock.

Ce thriller addictif et romanesque se joue habilement des sauts à travers le temps pour mieux explorer la psyché d’Albert et celle d’Adrien, qui s’inscrit presque en miroir de celle du septuagénaire. Comme si chacun devait composer avec la part de vérités et de mensonges de son interlocuteur.

À travers ce double face-à-face troublant et plein de défiance – Albert/Solange et Adrien/Albert -, Olivier Abbou scrute les histoires que les êtres humains façonnent pour se remettre debout après une enfance douloureuse ou une adolescence violente. C’est cette connexion et cette résonance à travers le temps qui rend si singulière la rencontre entre Albert et Adrien.

Portée par quatre comédiens formidables et par une histoire aussi dense que troublante, la série Les Papillons Noirs a valu le titre de meilleur acteur dans une série française à Axel Granberger (Albert jeune), prix décerné lors du Festival Séries Mania.

« Les Papillons noirs » en librairie

Qui se cache sous le patronyme de Mody, personnage principal de la nouvelle série d’Arte et auteur du roman Les Papillons noirs, inspiré par la chevauchée sanglante d’Albert et Solange dans les années 70 ? Sur l’écran, le rôle est tenu par le comédien Nicolas Duvauchelle, mais à l’écrit, la plume est brandie par Gabriel Katz, romancier français de fantasy et auteur de bande dessinée. Il joue le prête-plume dans cette entreprise inédite qui lie la chaîne Arte et les éditions du Masque.

La série sera diffusée en télévision les 22 et 29 septembre, mais disponible sur arte.tv dès le 7 septembre. Quant au roman, il sera mis en parallèle dans les rayons des librairies afin que les téléspectateurs puissent découvrir le résultat des discussions-confessions d’Albert à Adrien. Ou que les lecteurs, titillés par la curiosité, aient envie de découvrir les visages d’Albert et Solange, couple d’amants aussi passionnels que sanglants, à l’écran.

Karin Tshidimba

Les Papillons noirs***  Éros et Thanatos Création Olivier Abbou et Bruno Merle Réalisation Olivier Abbou Avec Nicolas Duvauchelle, Alyzée Costes, Niels Arestrup Sur Arte.tv le 7/09 (6 x 50’)