Le Lites Water Studio offre la possibilité de tourner des scènes spectaculaires à l’abri de la météo. Installé à Vilvorde, c’est le leader européen indoor des tournages aquatiques. Pour « Estonia », une série internationale, il a encore renforcé ses effets spéciaux.

Dès l’entrée du studio, le visiteur est enveloppé par une chaleur tropicale et une forte odeur de chlore. Plongé dans la pénombre, le studio de tournage est le décor d’impressionnantes scènes de sauvetage en mer d’une future série internationale de grande ampleur : Estonia (cf. note précédente).
Sur la passerelle en hauteur, qui fait face à l’immense bassin rectangulaire (48 m de long sur 30 mètres de large et 10 mètres de profondeur), l’équipe est concentrée et silencieuse. Le bruit des vagues et des trombes d’eau couvrirait sûrement toute conversation éventuelle mais au vu du planning de tournage très serré, personne ne veut prendre le risque de gâcher une prise.

Après plusieurs minutes de lutte dans une mer déchaînée, le coup de sifflet strident du premier assistant vient sonner la délivrance pour les comédiens et les opérateurs caméra, immergés depuis plus d’une heure. Ils vont enfin pouvoir quitter le grand bain. Pour cette matinée du moins. Après la pause de midi, passée en tongs et peignoirs de bain pour la plupart, tout le monde retournera à l’eau afin de terminer de mettre la dernière scène « en boîte ».

Comme un poisson dans l’eau (ou presque)

Pour Wim Michiels, propriétaire et concepteur du Lites Water Stage Studio, ce tournage prestigieux marque une forme d’aboutissement, inscrivant cet outil unique sur la carte cinématographique mondiale. Un pari fou relevé par ce plongeur et cameraman professionnel, amoureux des prises de vues sous-marines. « Jusqu’ici les studios intérieurs ne permettaient pas de réaliser de grands effets aquatiques, nous explique-t-il. Mais le problème des studios extérieurs, comme il en existe à Malte par exemple, est que l’on n’a que très peu de contrôle sur la qualité de l’eau et on est totalement à la merci de la météo du jour. »

Le Lites Water Stage est non seulement le plus grand studio aquatique intérieur d’Europe, il est aussi unique au monde pour ses possibilités en matière d’effets spéciaux. Impressionnant par sa superficie et sa capacité maximale – de 5 à 7,5 millions de litres d’eau – il offre surtout la possibilité d’y introduire des décors de grande taille (tel un pont ou une proue de bateau) sous une pluie battante et des vagues fracassantes. « Jusqu’à 18 tonnes d’eau peuvent tomber depuis trois tours-réservoirs équipées de tremplins réglables », détaille Wim Michiels. Depuis peu, le studio s’est aussi doté d’une plateforme permettant d’incliner le plateau de tournage jusqu’à 50 degrés et d’assurer l’immersion des décors jusqu’à 8 mètres de profondeur, deux options très précieuses en cas de scènes d’accident ou de naufrage à filmer. Sans compter l’infinie variété de décors projetables sur les murs du studio via écrans verts ou bleus.

Dompter la nature, les éléments

Le tout assure un maximum de confort à l’équipe avec une eau à 32 degrés et la possibilité d’arrêter pluies diluviennes et vagues incessantes en quelques secondes, sur commande. Le contrôle instantané des vagues, du vent, de la pluie et des canons à eau s’ajoute à la possibilité de créer du brouillard, d’offrir toutes les variations possibles de luminosité tout en pouvant moduler aussi l’aspect de l’eau, « du plus transparent au plus pollué », débris d’objets ou de bateaux inclus.
« Le fait de maîtriser totalement la météo et le déferlement des vagues permet aux équipes d’être moins nombreuses », moins soumises au stress des imprévus et des accidents potentiels et de gagner un temps précieux. Ce qui signifie qu’au final, le tournage (du moins, la partie aquatique de celui-ci) se révèle « moins long, moins complexe et donc, aussi, moins cher qu’annoncé », souligne Wim Michiels. Ce qui a toujours le don de galvaniser les équipes.

Par cette très chaude journée du mois de juillet belge, à laquelle s’ajoute encore l’humidité ambiante – semblable à celle que l’on rencontre dans les grands centres de loisirs aquatiques – la nouvelle de l’imminence des dernières scènes à tourner est accueillie avec soulagement pas tous, techniciens comme comédiens. On a beau aimer barboter, « à la longue, même les plus expérimentés souffrent un peu du mal de mer », confie ce membre de l’équipe de tournage qui a pourtant fait partie de la Navy…

Un précieux atout audiovisuel belge

Depuis son inauguration en avril 2019, après deux années de conception et deux années de construction, une cinquantaine de tournages ont pris place sous les cieux du Lites Water Studio. Grâce à l’adjonction de deux studios voisins de, respectivement, 1450 m² et 1700 m², la structure est en mesure d’accueillir de plus en plus de projets internationaux. Germinal (France Télévision), Luther (Netflix), The Swimmers (Netflix), The Swarm (ZDF), Foundation (Apple TV) sont quelques-unes des productions internationales les plus récentes sorties des eaux de Vilvorde.

La localisation du studio belge joue également en sa faveur : à quelques minutes en voiture de l’aéroport international (Zaventem), il est à proximité de Paris, Londres, Cologne et du reste de l’Europe, y compris via la gare de Vilvorde, située à quelques centaines de mètres à pied de l’entrée des studios. Dans le cas présent, c’est une véritable aubaine pour l’équipe de cascadeurs du projet Estonia, originaires des Pays-Bas, la profession étant en pénurie en Belgique.

« Le dispositif du tax shelter et les fonds régionaux créent aussi un environnement financièrement favorable », rappelle André Logie, coproducteur belge du projet Estonia (cf. note précédente).
Avec la réputation des équipes techniques belges, des studios d’animation et d’enregistrement du pays, voilà un autre atout appréciable pour toute la filière cinéma et audiovisuelle.

Karin Tshidimba, à Vilvorde
photos: Lites Water Stage Studio et Fisher King