Après le polar, le thriller, la chronique humoristique et la série politico-judiciaire, la RTBF s’essaie à la série de gangsters avec ses zones d’ombre, ses secrets enfouis et ses filiations imbriquées. La série belge Fils de est à découvrir à 20h05 sur Tipik et en intégralité sur Auvio

Dans Fils de, on suit Frank Pistone (Marka) de retour à Bruxelles après 17 années passées au Maroc en compagnie de sa fille Sarah (formidable Mara Taquin). Une nouvelle qui ne tarde pas à réveiller les tensions et rivalités en sommeil depuis sa disparition après un célèbre vol de diamants. Le patriarche au visage de marbre et aux yeux perçants retrouve son ancienne complice Wafah (Béatrice Dalle) au moment où son propre fils Camille (Camille Pistone) est en pleine galère. L’apprenti convoyeur s’est fait voler une cargaison de drogue qu’il devait acheminer jusqu’au coeur du quartier Matonge. Entre malfrats hollandais et bruxellois, le rejeton est pris en étau et risque bien de tout perdre. A commencer par la possibilité de sortir de ses problèmes financiers pour renouer avec son propre fils, Hippolyte. Salim (Salim Talbi), son pote de toujours, ignore tout de ses plans foireux, mais tente à tout prix de lui sauver la mise.

Un nouveau cadre, de nouvelles « vibes »

Fils de inscrit son drame mafieux dans une ambiance visuelle très réussie qui serpente souvent dans les rues de Bruxelles à la tombée de la nuit. Un drame familial au parfum de tragédie grecque où l’image du père, longtemps absent, s’inscrit en miroir du destin de ses enfants. Un contraste mis en lumière dès le très beau générique à l’empreinte impressionniste où émergent les silhouettes de bâtiments emblématiques (Palais de justice et tours d’immeubles bruxellois). Laisse-moi intime la bande originale imaginée par Sofiane Pamart. Porté par le timbre cristallin de la Bruxelloise Mevy, le titre reflète les contradictions d’une génération partagée entre quête d’indépendance et besoin de références. Des espoirs et constats adressés face caméra, à chaque fin d’épisode, par des visages de la scène hip-hop bruxelloise : Lord Gasmique, Ischa, Scylla, Shaka Shams,… Façon originale de réinventer le concept de choeur antique.

La série réussit aussi son pari de dévoiler d’autres visages de Bruxelles, loin de la carte postale et des sentiers rebattus. Décor contrasté pour cette quête d’identité, entre héritage assumé ou non et filiation révélée. En explorant les racines africaines du quartier Matonge, les tours d’immeubles de la cité du Peterbos, la zone industrielle et les berges du Canal, Fils de redéfinit le paysage urbain et capture même la vitalité de la scène underground de la capitale européenne.

Face à cette richesse de représentation, on regrette d’autant plus la progression par moments erratique et les maladresses de l’intrigue qui empêchent la série de toujours convaincre. Malgré la fibre paternelle de Marka, la figure de mère mafieuse au grand coeur de Béatrice Dalle, le soutien indéfectible de Salim et la quête viscérale de Sarah, certains clichés et trous d’air desservent le propos. Entre temps morts et fréquents coups de sang, l’intrigue manque de liant et de moments d’introspection assumés. Alors même qu’on ne peut douter de la sincérité de ses interprètes : Salim, Camille, Safia (Bwanga Pilipili), César (N’landu Lubansu)…

Réalisée par Frank Devos (Undercover) et scénarisée par Camille Pistone, Salim Talbi (La Théorie du Y) et Antoine Négrevergne – secondés par Gaëtan Delferière, Simon Bertrand et Boris Tilquin – la série en huit épisodes est à voir dès ce dimanche à 20h05 sur Tipik et est disponible en intégralité sur Auvio.

Karin Tshidimba