La saison 3 de Twin Peaks s’ouvre sur des images familières: l’invitation que Laura Palmer (Sheryl Lee) adressait 26 ans plus tôt à l’agent Dale Cooper (Kyle MacLachlan).
Sol aux formes géométriques, musique emblématique et grand rideaux rouges: tout y est… Même le générique revisité en mode fondu enchaîné et kaléidoscopique, dont la musique est restée heureusement inchangée…
Un paysage dans la brume défile ainsi que l’image de la cheminée d’une usine désaffectée, les couloirs vides du lycée, la célèbre vitrine où apparaît la photo de Laura Palmer: le lien avec la 1ère saison est fait immédiatement.
« Vous êtes loin de comprendre » prévient le vieil homme s’adressant à l’agent Cooper. A moins que cet avertissement ne soit pour nous ?
La suite va en effet démontrer que Twin Peaks*** n’a pas fini de nous étonner. La saison 3 s’est ouverte dimanche soir aux Etats-Unis et à une heure plus décente, hier sur Be TV.
Nouveaux lieux, nouvelle forme, nouvelles intrigues
En abordant la saison 3 de Twin Peaks, la crainte était que cette résurrection soit vaine et que la série se contente de se répéter.
Sur ce plan-là, aucun souci à se faire. Le résultat n’est ni figé, ni compassé.
David Lynch (image du bas) s’empare de sa matière pour lui insuffler une nouvelle vie, une nouvelle forme. Même ses plus fervents admirateurs ont de quoi être désarçonnés puisque l’intrigue se déroule finalement très peu dans la petite ville de Twin Peaks. On ne va pas se mentir, on n’a pas tout compris et pourtant, on s’était replongé dans le dossier secret de Twin Peaks rédigé par Mark Frost et dans les saisons 1 et 2 afin d’être parés à toute éventualité.
La force et le génie de Lynch sont là : déjouer les pronostics et créer la surprise…
Le changement de ton est manifeste avec une nouvelle saison qui rompt avec le côté burlesque et décalé, plutôt soap des deux premières saisons. Le caractère étrange, futuriste et l’enquête policière, présents dès le début, prennent cette fois le dessus mais sous un jour plus radical et plus sombre dans la lignée du film de 1992 «Fire walk with me» réputé plus austère. Cette saison 3 attentive aux nouvelles technologies s’annonce plus sanglante et plus dérangeante, aussi, à en juger par les trois premiers épisodes.
Si vous n’avez pas encore commencé le voyage, évitez de lire ce qui suit…
On y retrouve l’agent Dale Cooper toujours prisonnier de la chambre rouge tandis que son double maléfique, aux cheveux longs et au visage buriné, poursuit sa mortelle balade du côté du Dakota du Sud, notamment dans la petite ville de Buckhorn.
Il y est question d’un meurtre ou plutôt d’un double meurtre – dont on ne donnera pas les détails afin de ne pas trop « divulgacher » – et d’un homme pris dans le sombre engrenage de la justice. Comme jadis à Twin Peaks.
Deux autres lieux sont également explorés lors de ce début de saison : New York, où un milliardaire anonyme mène une expérience top secrète, payant un étudiant à observer une cage en verre en attendant de voir ce qui s’y produira, ou pas… Savoureuse mise en abyme de notre position de spectateur. Et Las Vegas aussi, pour des raisons encore inconnues à ce point précis du récit.
On retrouve ce rythme hypnotique et ce soin particulier apporté à une mise en scène épurée où la technologie a visiblement un rôle à jouer et où transparaît la fascination de David Lynch pour l’art.
Machine à déformer le temps
Comme précédemment David Lynch et Mark Frost ouvrent un tas de pistes et sèment des indices dont on ne sait pas bien où ils vont nous mener. Mais vu l’ampleur et la complexité du maillage, on se dit qu’il faudra bien 15 autres épisodes pour démêler cet écheveau. D’autant que les 3 premiers n’ont donné qu’un très petit aperçu du casting potentiel : 217 acteurs au total, on le rappelle… Des visages parmi lesquels on retrouve avec émotion ceux qui avaient entamé ce voyage en 1990.
Est-ce le futur ou le passé ? La question s’adresse à nous sans hésiter. Dans ce voyage dans le temps et l’espace, les passagers sont priés de bien s’accrocher. Labyrinthe, distorsions optiques et sonores, jeux de miroir. Le jeu de piste a repris… En résulte une intrigue inclassable dans laquelle Lynch imprime ses obsessions thématiques, visuelles mais aussi sonores puisqu’il est l’auteur de cinq des thèmes de la série auprès de son complice des origines Badalamenti.
Les premiers résultats d’audience aux Etats-Unis sont frileux. Mais s’agissant d’un projet aussi singulier, pouvait-il vraiment en être autrement ?
KT
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