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alexandre astier.jpgLe scénariste Alexandre Astier n’y va pas par quatre chemins. Son avis sur la fiction française est plutôt tranché.
«Cela dépend franchement de ce qu’on regarde Il y a des bricoles ringardes, un vernis dans lequel on s’embourbe encore comme si c’était du goudron.»
Un point de vue clair, des préférences nettes, voilà bien le moins que l’on puisse attendre du président du jury du Festival de La Rochelle 2013.

 

Selon lui, « on a des vieux réflexes en France. Une tradition bien ancrée qui est de choisir quelques acteurs fétiches et des arches narratives simples et lisses. »  Comme si la complexité et la noirceur faisaient peur? « Oui, il y a de cela. Avant ces ingrédients suffisaient à faire un succès. Mais aujourd’hui il y a une exigence dans le secteur des séries qui demande le recours à des techniques plus modernes avec une richesse de qu’on raconte et une vraie perspicacité psychologique. Certains le font mais d’autres ont encore gardé les réflexes de la vieille télé. Ce n’est pas juste une question de forme (sombre et complexe), précise Alexandre Astier. En France, on manque un peu de liberté. Les scénaristes sont encore trop surveillés par les diffuseurs. Or la conviction se nourrit seule, d’abord. Ensuite, on peut se mettre à plusieurs pour enrichir cette idée. Aux Etats-Unis, c’est le showrunner qui a le déclic, l’envie initiale. En France ce sont les chaînes qui donnent l’impulsion de départ en commandant des thématiques précises. Je ne crois pas du tout à ce système. Un scénariste, on ne lui commande rien ou alors il faut que cette histoire lui vienne de loin. »

« Ils m’ont demandé quelle couleur on pourrait donner au palmarès. Je leur ai dit que je voulais privilégier des oeuvres où on sent le plaisir de jouer des acteurs. L’état de grâce dans lequel chacun est capable de donner des choses. la rochelle 2013.jpgOn va mettre de côté les oeuvres qui ont évolué de développement en développement et où on sent bien le côté artificiel, la commande. Où le casting mêle quelques éléments définis de longue date et ceux choisis trop tard. Il y a dans le jury des gens comme Xavier Deluc ou Julie Gayet qui parlent ma langue, donc je pense que le palmarès ressemblera à cette envie. » Il sourit.

« Je parlais des Soprano l’autre jour. Personne n’a demandé à David Chase de faire quelque chose sur la communauté italo-américaine. La série n’est pas née comme cela. Cette histoire-là était profondément ancrée dans leurs gènes. Je suis d’origine italienne et je peux vous dire que, dans cette série, tout est juste. La façon dont ils se saluent, ce qu’ils mangent, ce qu’il y a dans leur frigo, la façon dont ils se parlent. Il y a un soin incroyable apporté aux détails. Et ça, ce n’est pas quelque chose que l’on décide à 15 autour d’une table. La vérité d’une oeuvre naît comme quelque chose de très fragile. »

« Aujourd’hui, cette frilosité est plus une question de peur que de crise économique. La peur peut exister à tous les niveaux: diffuseur, producteur, réalisateur, acteurs. Alors qu’on voit bien que le public est amoureux d’histoires improbables avec des saillies particulières. Faire confiance aveuglément est sans doute impossible pour un diffuseur, mais tout contrôler ne mène à rien. Je ne sais pas si tout faire soi-même est la solution, mais aujourd’hui je veux fabriquer tout et avoir la production exécutive. Je me préserve d’avoir à répondre de quoi que ce soit face à qui que ce soit car mes projets portent sur plusieurs années et je ne veux pas m’engager à l’aveugle. »

kaamelott.jpgQuels projets, précisément ? Kaamelott résistance « qui verra la suite de l’histoire sans Arthur, disparu à la fin de la saison 6 + une trilogie cinéma + une bande dessinée dont la trame se déroule à l’écart de la série (en parallèle à la saison 1) », précise-t-il.

En marge de cet univers, il y a aussi la série Vinzia qu’Alexandre Astier développe pour Canal+, un projet de science-fiction dont le diffuseur n’est pas encre connu, ainsi que le long métrage sur « La bête du Gevaudan » sur lequel il travaille en ce moment. Sans oublier son spectacle sur Bach « Que ma joie demeure » avec lequel le comédien-musicien arpente les routes de France, en ce moment même. Un sacré agenda.

« Aujourd’hui, je repense à la liberté que j’avais il y a dix ans: j’ai fait Kaamelott sans rien devoir expliquer. Si je peux vivre en faisant vraiment ce que je veux faire, alors je continue. Ce n’est pas mon métier d’expliquer ce que je fais. A l’époque, on n’avait pas tout prévu, je ne peux pas tout maîtriser et ce n’est d’ailleurs pas mon métier. Pour réussir? Il faut être prêt à renoncer, si vous ne parvenez pas à un accord. Il faut avoir une paternité maladive pour que personne ne vienne tripoter ce que vous créez. D’ailleurs, cela rassure certains diffuseurs que vous soyez prêts à dire non. »

« J’aime les longs trajets, les histoires à tiroirs avec des erreurs et des fausses pistes. J’adore la bonne télé. Les séries sont ce qui m’a le plus marqué: The Wire, The Sopranos, … Et en même temps, il y a des perles au cinéma comme le film «Garde à vue». Pour moi, il n’y a pas de hiérarchie. Juste de bonnes histoires. »

Ainsi pourra-t-on découvrir, début 2015, un autre de ses projets au cinéma: Astérix et le domaine des dieux, un film en 3D qu’il coréalise. On pourra y reconnaître les voix de Florence Foresti, Alain Chabat, Eli Semoun, Arthus de Penguern, Alexandre Astier et son père, entre autres…
Mais d’ici demain soir, on verra surtout si les mots du président résonnent dans le palmarès 2013.

Karin Tshidimba, à La Rochelle