En septembre dernier la mini-série Olive Kitteridge*** avait les honneurs de la sélection officielle de la Mostra de Venise. Si l’actrice Frances McDormand y est sortie de son mutisme, c’était pour défendre son bébé, un projet qu’elle a porté avec passion pendant des années. Depuis la sortie du roman d’Elizabeth Strout en 2008…
Très discrète, Frances McDormand n’avait plus donné d’interview depuis 10 ans, agacée par la promo de “Tout peut arriver”, sorti en 2003, durant laquelle elle avait dû répéter toute la journée son bonheur d’avoir travaillé avec Jack Nicholson. Jusqu’à se laisser aller à dire la vérité : “J’ai fini par répondre combien mon fils de 11 ans était plus sophistiqué et avait plus de conversation que lui !” Une réplique que n’aurait pas désavouvé Olive Kitteridge dont le récit de vie s’ouvre ce jeudi à 21h sur Be TV.
Des propos recueillis à Venise par notre collègue Hubert Heyrendt.
“Quand j’ai lu le roman, je l’ai trouvé fantastique, nous expliquait l’actrice sur le Lido. J’ai commencé à l’offrir à tous mes amis. Une de mes amies m’a appelée deux jours après l’avoir lu en me disant : ‘Tu dois jouer ce rôle !’ J’ai répondu que non, que ce n’était pas un film, que 90 minutes n’étaient pas suffisantes pour raconter cette histoire. Et puis j’ai vu la série ‘The Wire’ de David Simon. Je ne regarde pas la télévision. C’est vraiment la première fois que je me suis rendu compte que quelque chose était en train de changer, que les gens étaient prêts à suivre une histoire pendant 5 heures. C’est comme ça qu’on devait raconter l’histoire d’Olive Kitteridge ! Non pas chronologiquement en 90 minutes mais sur 6, 8 heures… Mon agent a alors appelé celui d’Elizabeth Strout, la semaine avant qu’elle soit nommée au prix Pulitzer. C’était le destin, je crois. Je suis païenne au fond de mon cœur. Je crois dans la Lune, les marées et le destin…”
Eternel second rôle
Dans cette adaptation soignée en quatre épisodes signée Lisa Cholodenko (cf. note précédente), Frances McDormand s’est évidemment offert le beau rôle, celui d’Olive Kitteridge, femme acariâtre rongée par la dépression, qui en fait voir de toutes les couleurs à son entourage dans une petite ville portuaire du Maine. Une performance tout en subtilité qui marque le retour à la télévision de l’actrice pour la première fois depuis 1987. Et qui offre enfin un vrai premier rôle à l’actrice…
“Avec Olive, surtout en sachant que j’aurais la possibilité de l’habiter pendant six heures, je savais que c’était l’aboutissement de 35 ans de carrière, explique, très lucide, Frances McDormand. J’ai joué les seconds rôles féminins auprès de personnages masculins au cinéma pendant 35 ans ! C’est comme ça que j’ai fait carrière. Et c’est cela qu’est Olive dans le roman. Elle est une présence dans la vie de chacun des personnages du roman, mais elle est aussi le pilier de cette communauté. C’est le prof de maths dont tout le monde se souvient. C’est l’épouse du pharmacien qui a influencé la vie des gens. Elle est cette femme que, dans chaque petite ville, personne n’invite à dîner mais que personne n’oubliera jamais. On en connaît tous des gens comme ça…”
A nouveau donc, la comédienne américaine incarne un rôle dur, sa spécialité. “Si on veut définir mon style de jeu, on peut dire que j’essaye de creuser au plus profond la vérité du personnage, de l’histoire. Parfois, cela peut même aller un peu trop loin… Mon mari me dit parfois quand il voit les choix que j’ai faits, juste en se basant sur les personnages : ‘Tu n’es pas obligée d’être si moche ! Ce n’est qu’un film après tout…’ C’est vrai que je choisis peut-être des personnages un peu trop durs. Et Olive est à nouveau comme ça…”
L’ombre des frères Coen
Présente dans la plupart des films de Joel (son mari) et Ethan Coen depuis “Blood Simple”, leur premier film en 1984, Frances McDormand reste intimement associée à son personnage d’inspectrice de police enceinte dans “Fargo”, qui lui permit de décrocher un Oscar en 1997. Elle regrette de n’avoir pas pu avoir son mot à dire sur la récente adaptation en série télé, mais se souvient avec joie de cette expérience.
“J’ai eu beaucoup de chance car Joel et Ethan Coen ont écrit le rôle de Marge Gunderson spécialement pour moi. J’étais très excitée à cette idée. Mais quand j’ai lu le scénario, je leur ai dit: “Merci, une flic enceinte !” J’avais envie de jouer, je ne sais pas moi, une tueuse psychopathe ou quelqu’un de dérangé mentalement. Je ne voyais pas vraiment le potentiel de Marge jusqu’à… ce que je voie le film terminé. Vraiment.”
Si Frances McDormand est évidemment ravie de cette collaboration fructueuse à long terme avec les frères Coen, elle était ravie, avec “Olive Kitteridge”, de pouvoir mener à bien un projet de son côté.
“Je les connais depuis 1982. Constamment, des acteurs, des techniciens viennent me voir en me disant qu’ils voudraient travailler avec eux. Qui ne voudrait pas ? Je leur réponds : ‘Vous voulez bosser avec eux ? Moi aussi ! Mettez-vous dans la file !’ Et si je parle à une actrice de mon âge, je lui dis : ‘S’il y a un rôle pour toi, c’est moi qui l’aurai !’ plaisante-t-elle. Mon agent les appelle à chaque fois qu’ils écrivent un film pour savoir s’il y a un rôle pour Frances McDormand, parce que je ne veux pas leur demander à la maison. Je ne supporterais pas la déception… On garde donc une relation professionnelle. Ce que j’ai apprécié en faisant ‘Olive Kitteridge’, c’est de me rendre compte que j’étais aussi capable de faire un film. Je ne suis pas une réalisatrice, pas une scénariste mais je sais comment on fait un film.”
HH, à Venise
Et le trailer? Il était déjà dispo ici
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