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Avec sa formation « Tremplin », « l’Ecole des séries », située à Lille, donne un accès unique à des jeunes de la Région des Hauts-de-France aux métiers de l’audiovisuel. Visite en coulisses

Au rez-de-chaussée du Series Mania Institute, les cerveaux sont en surchauffe ce matin. Disposés autour d’une grande table en U, face à un tableau constellé de post-it, les scénaristes en herbe coupent, taillent, reformulent, relisent le scénario de leur première série, encadrés par deux scénaristes aguerris, Matthieu Bernard et Stéphanie Girerd.

L’intrigue de Maslow est presque définie. Ils doivent livrer la « V1 » cet après-midi et effectuent les dernières coupes, les derniers ajustements. Cette première version devra encore être affinée par la suite, mais elle servira de base au tournage planifié dans quelques semaines avec des comédiens du Conservatoire de Lille. Ce travail est la première étape d’un chantier de longue haleine qui va les mener à présenter leur série, tournée et conçue dans les Hauts-de-France, lors du prochain Festival Series Mania. Le compte à rebours est donc lancé pour ce travail de Titan, une réalisation en forme de Graal pour ces jeunes d’une vingtaine d’années qui ont entamé leur formation en septembre dernier.

Leur série suit une jeune femme en rébellion contre un système entrepreneurial hyper hiérarchisé de type start’up, engagée contre son gré et qui découvre les coulisses de la machine. L’intrigue est inspirée de la pyramide des besoins humains, tels que définis par le psychologue Abraham Maslow : depuis la base, les besoins physiologiques, jusqu’au sommet, le besoin d’accomplissement.

Objectif: une projection à Series Mania

En intégrant l’Institut, sur dépôt de candidature, les étudiants ont pu réaliser leur rêve. Un objectif jugé a priori inaccessible lorsqu’on ne connaît personne dans le milieu de l’audiovisuel et qu’on n’habite pas Paris… A fortiori lorsqu’on a perdu confiance en l’avenir ou qu’on est en délicatesse avec le système scolaire. Cette fois, pourtant, le rêve est à portée de mains : mi-novembre, ils ont pu proposer leur idée de série à réaliser. Et ce format court (5 épisodes de 5 minutes) sera présenté en mars à Lille sur grand écran devant un public passionné de séries.

Pour y parvenir, des scénaristes chevronnés leur ont appris les principales ficelles du métier : comment définir des personnages, structurer une intrigue, enrichir un univers, prévoir des rebondissements et imaginer des adversaires crédibles… Autant de clés pour donner le plus de sel possible à leur récit. Sur les vingt stagiaires, cinq se définissent comme apprentis scénaristes. Durant leur atelier, ils ont dressé un panorama des films et des séries et visionné pas mal de premiers épisodes afin de repérer comment on installe un concept, un univers, des personnages. Histoire d’êtres prêts à créer leur propre monde.

Gérer une série, du scénario au tournage

Au moment du choix d’un projet commun, même si chacun avait émis son idée originale, la décision du jury a été acceptée sans trop de difficultés… L’univers posé par Lou, l’une des plus jeunes stagiaires, les a tous séduits, reflet de leurs espoirs et de leur méfiance vis-à-vis des dérives d’une société évoluant parfois en roue libre. Chaque stagiaire a pris en charge un épisode dont il a développé les dialogues et intrigues secondaires en veillant à la cohérence de l’ensemble.

La coordination des énergies et des cerveaux est le maître-mot de ce projet où chacun doit trouver sa place, tout en découvrant les coulisses d’un maximum de métiers nécessaires à la naissance d’une série : de la conception des décors ou des costumes en passant par la réalisation, le maquillage, le son, mais aussi les postes de scripte, de machino ou d’électro. Autant de fonctions techniques, présentées par des professionnels, auxquelles ils se sont exercés en octobre et novembre en parallèle de la théorie sur la création d’une série.

Le projet a aussi été passé au crible de l’équipe budget, sous la supervision d’Henri Genty, directeur de production à Arras, afin de vérifier le nombre de personnages et de décors envisagés et voir si le projet est tenable dans l’économie forcément serrée des séries.

Stages professionnels et accès à l’emploi

L’idée est d’offrir un tremplin à des jeunes de la région grâce au soutien de l’Afdas (Assurance Formation des activités du spectacle). “C’est grâce au Series Mania Forum que les encadrants de nos stagiaires ont pu être repérés. Il ne s’agit pas seulement d’être bon dans son métier, il faut aussi être disponible et pédagogue. Je travaille de la même manière pour trouver les intervenants des métiers techniques, en privilégiant des superviseurs originaires de la région, souligne Daphné Courbot, responsable de la formation Tremplin. Le premier jour de tournage, ils mettent parfois la main à la pâte, ensuite ils sont là pour aiguiller, répondre aux questions. A la fin du tournage, les stagiaires travaillent seuls à leur poste.« 

Les jeunes en formation partent ensuite en stages sur des productions tournées dans la région, créant peu à peu un réseau professionnel qui leur permettra de démarrer plus facilement dans le métier. « La plupart des professionnels contactés ont été bluffés par le niveau de nos stagiaires au sortir de la formation. » Leur meilleure récompense ? Voir que certains de leurs anciens stagiaires ont intégré les équipes de séries françaises renommées produites par TF1, France Télévisions ou Canal+ voire même Netflix.

Karin Tshidimba, à Lille