La nouvelle série belge, imaginée par Benjamin Dessy et Michèle Jacob, termine son tournage cet été. Six épisodes d’une histoire mêlant enquête, drame familial et social.
L’idée de cette série inspirée de l’histoire des Forges de Clabecq est de Benjamin Dessy. “Mon co-scénariste est le petit-fils de la famille Dessy des Forges. À l’époque des manifestations et de la fermeture (en 1997, NdlR), sa famille a reçu des lettres de menaces. Il s’est demandé comment cela aurait pu se passer si c’était allé plus loin.” Le premier scénario, élaboré avec Brieuc de Goussencourt, n’a toutefois pas été retenu par le Fonds des séries. “Mais on a repris cette idée pour l’ancrer dans les années 90, tout en gardant le personnage principal féminin sur fond de lutte des classes, entre bourgeoisie et immigration italienne. Et après on a reconstruit nos personnages”, précise Michèle Jacob.
Le choix des années 90 permettait de donner une autre résonance aux thèmes choisis par les deux auteurs : “L’homosexualité, les différences culturelles, la question des hommes et des femmes avec une femme capitaine d’industrie, la façon dont on écoute ou pas la parole des enfants. Toutes ces thématiques n’ont pas tellement évolué”, souligne la réalisatrice et scénariste. “Les spectateurs, en 2024 pourraient se dire : tu te rends compte, t’as vu comment ils parlent ? Mais, selon nous, beaucoup de gens pensent toujours la même chose.”
À côté de l’histoire sociale, Arcanes évoque aussi une enquête autour d’une disparition. Le personnage de la policière Maria a été imaginé pour Lara Hubinont. “Mais c’était plus simple pour moi que pour elle”, plaisante Michèle Jacob. “On ne se connaissait pas tellement, mais je la voyais très bien dans le rôle. Lara a une espèce de puissance, d’intelligence et de regard franc, tout en étant hyper sympa, hyper ancrée. J’aime sa manière de bouger, de regarder. Maria est très “bossy”, mais c’est la seule qui a une histoire d’amour, la seule qui a un vrai enjeu personnel. Donc ce n’était pas si simple de tout combiner pour Lara.”
« Pourquoi penser à moi pour jouer un rôle tel que celui-là ?«
”Michèle m’a dépeint le rôle avant que je puisse lire le scénario, se souvient la comédienne. Elle m’a dit : Maria est une femme qui sait ce qu’elle veut. C’est la femme flic qui assure. Elle est hyper frontale et sexy. Et je me suis dit : Mon Dieu, pourquoi penser à moi pour jouer ça ? Mais je lui ai répondu : Ah ok, pas de problème. On ne m’a jamais proposé ce type de rôles, la vie a fait que j’ai plus souvent joué des rôles plutôt comiques, ou en réaction. C’est un challenge pour moi d’y croire et de me dire que ce n’est peut-être pas si loin de moi, au final.”
Pour s’y préparer, Lara Hubinont a beaucoup pensé, beaucoup observé. Notamment Kate Winslet dans la série Mare of Easttown “qui est incroyable. Pas pour la copier, mais pour comprendre ce que j’avais de similaire. Michèle m’en avait parlé ainsi que d’Olivia Colman dans la série Broadchurch qui a ce côté sympa et avenant tout en étant ancrée et sûre d’elle.”
”Les personnages féminins sont souvent des mères courage, des femmes flic masculines ou bien des infirmières”, poursuit Michèle Jacob. “Ou bien elles sont dans la séduction. Souvent, une seule couleur est mise en avant”, souligne Lara Hubinont. “Alors que les personnages masculins sont plus riches parce qu’on en a vu beaucoup donc ils ont été plus travaillés, les modèles sont plus larges.”
Face à ce constat, Michèle Jacob a décidé de prendre le contre-pied. Une idée soutenue par son coscénariste Benjamin Dessy, ravi de “déconstruire son regard pendant toute la phase d’écriture”. Quant à la RTBF, elle a encouragé ce tandem, souhaitant que les équipes d’écriture des séries belges affichent davantage de mixité.
« L’arrivée des séries a permis de lutter contre cette précarité très forte des scénaristes. »
L’aventure de la série ne l’inquiétait pas du tout, car Michèle Jacob s’y était déjà frottée. “Comme la plupart des auteurs belges, on a tous essayé de faire à un moment de la série parce que c’est le seul endroit où il y avait de l’argent pour développer des projets grâce au Fonds des séries. Développer un long métrage pendant dix ans, sans être payé, ce n’est pas rentable. C’est la raison pour laquelle l’arrivée de ce Fonds était vraiment utile. L’arrivée des séries a permis de lutter contre cette précarité très forte des scénaristes.”
Et cela, même si les budgets n’étaient pas faramineux. “Le budget n’était pas extraordinaire, mais il était là quand même. C’était aussi un apprentissage parce que personne n’était scénariste de série en Belgique avant. C’est devenu plus rentable parce que j’imagine qu’on va tous plus vite et qu’on sait mieux comment les créer.”
Entretiens: Karin Tshidimba
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