À 15 ans, personne ne croyait en ses chances de devenir actrice. Un seul film a fait d’elle une icône mondiale. La série « Bardot » retrace la naissance du mythe BB à travers ses films, ses amours, ses amants. Une série très classique au parfum de roman-photo à voir dès ce lundi 8 mai sur France 2 à 21h10 et plus tard sur Netflix.

”À vingt ans, Bardot est totalement charmante, délicieuse, intelligente, différente de tout le monde. Et, en même temps, c’était compliqué de vivre le compagnonnage avec cette créature confrontée à une célébrité hors du commun qui faisait parfois d’elle une bête traquée. C’est aussi une jeune femme qui s’est sentie très mal aimée par ses parents dans l’enfance et qui cherche à compenser ce besoin d’être aimée. Tout cela nous a fait dire qu’il y avait vraiment matière à la raconter. D’autant qu’à travers elle, surgissait le plaisir de raconter la France des années 50”, détaille Danièle Thompson, coscénariste et coréalisatrice de la série « Bardot » présentée en avant-première lors du Festival Séries Mania.

Ce portrait de BB, le producteur Pascal Breton en rêvait depuis plus de vingt-cinq ans déjà. Les images du clip tourné par Gainsbourg avec Bardot sur une plage lui ont inspiré le titre du feuilleton Sous le soleil, lancé en 1996 sur TF1. Lui manquait le bon auteur, le bon point de vue pour donner vie à ce récit. C’est alors qu’il a pensé aux Thompson mère et fils…

Icône controversée

”Il y a quelque chose de profondément romanesque et compliqué dans ce personnage avec beaucoup de choses ambiguës. Tellement de choses ont été écrites sur Bardot qu’on était un peu perplexes, au départ. Mais, en commençant à creuser la documentation, on a découvert tellement d’informations inédites qu’on s’est dit que cela valait la peine de les raconter”, précisent-ils.

Retracer la naissance du mythe Bardot, c’est l’occasion de parler de “la liberté des femmes et du déferlement de sexualité qu’elle a symbolisé. Cela a provoqué à la fois un engouement extraordinaire et une espèce de haine et de jalousie générales qui ont fait qu’elle était adulée mais aussi insultée et traînée dans la boue. Elle a donné l’exemple en revendiquant le droit de s’habiller comme elle le voulait, d’être libre de dire et de faire des choses qu’on ne pouvait pas faire à l’époque” poursuit Danièle Thompson.

Le grand retour du puritanisme dans le monde fait que le sujet est d’autant plus important et actuel”, souligne Pascal Breton. Le producteur ne cache pourtant pas le manque d’enthousiasme de certaines chaînes américaines à l’égard du projet porté par un véritable sex-symbole des années 50 et 60 en France. Tandis que, dans l’Hexagone, les opinions souvent extrêmes professées par l’ancienne star du 7e Art, ces dernières années, ont engendré la frilosité des diffuseurs.

Bardot, l’insaisissable

Restait à trouver comment retranscrire le réel. “C’est très important de savoir jusqu’où on va dans la réécriture. Il y a une ligne de crête délicate entre l’imaginaire et la liberté d’écriture nécessaires quand on fait de la fiction. Et puis, le respect de certaines choses que l’on sait et qu’on ne voulait pas trahir”, explique Christopher Thompson.

”Il y a l’image, le mythe et notre travail consiste à tenter de comprendre les émotions, ce qui s’est passé derrière. Notre proposition porte sur les mots et le ressenti. Le seul personnage inventé est le paparazzi qui symbolise tous les photographes qui l’ont poursuivie. Tous les autres, nous les avons rencontrés ou bien ils ont été interviewés et ils ont écrit sur Bardot. On essaie d’imaginer la manière dont les choses ont pu se passer”, poursuit Danièle Thompson. “Même si Bardot reste insaisissable”, reconnaissent-ils en chœur et avec enthousiasme.

Tournée en région parisienne et à Saint-Tropez, cette série très classique, en six épisodes, retrace le destin extraordinaire de l’icône française, de son tout premier casting à 15 ans, en 1949, au tournage du film La Vérité de Clouzot, dix ans après. De films en rencontres, d’idylles en déceptions, la série retrace le parcours d’une jeune femme libre qui s’est toujours battue pour rester sincère et fidèle à ses principes : aimer qui, quand et comme elle le voulait.

En 1956, la sortie du film de son mari Roger Vadim, Et Dieu… créa la femme, dont Brigitte est l’héroïne, provoque une révolution sexuelle mondiale dont elle devient le symbole.
”Bardot assume sa sexualité, ne veut être ni une bonne épouse ni une mère de famille. Elle dit ce qu’elle pense. Une liberté de ton qui entraîne l’admiration mais qui déchaîne aussi les passions”, rappellent les scénaristes. En cela, elle préfigure les transformations que Mai 68 finira par imposer à la société française tout entière.

Prise au piège de la célébrité

Actrice traquée et surreprésentée dans les médias, Bardot véhicule une certaine image du “glamour à la française”. “Elle a été une influenceuse monumentale, la première de toutes”, souligne Danièle Thompson. Elle a d’autant plus d’impact que les ballerines, les t-shirts ou les robes vichy qu’elle porte sont accessibles à toutes. “Elle n’était pas comme les grandes stars intouchables. On pouvait se coiffer et s’habiller comme elle et ça, c’était nouveau. Le monde entier s’est approprié cette créature sublime et, petit à petit, le piège s’est refermé sur elle. C’est ce piège, surtout, qui nous intéressait.” Comment il a été vécu par la femme, derrière le mythe. “Ça lui est tombé dessus, elle ne s’attendait pas à cette notoriété hallucinante et mondiale. On était tous stupéfaits de ce qui se passait.”

À travers ce personnage célèbre se rejoue aussi le mirage d’une France heureuse et libre.
”Bardot était dans un combat pour sa propre liberté et celle des femmes, presque malgré elle.” Dans La Grande Librairie récemment, Mona Ozouf et Michelle Perrot, philosophes de 92 ans, “incroyablement vives et copines depuis 65 ans, racontent le jour où elles ont découvert le film Et Dieu créa la femme. Jeunes universitaires, elles avaient 25 ans. Pour elles, c’était une expression et une image de la liberté des femmes plus forte que ce qu’elles avaient pu lire dans Le deuxième sexe de Beauvoir. Les hommes avec qui elles étaient au cinéma, n’avaient pas perçu ce souffle de liberté. Elles sont sorties bouleversées du film, ce jour-là.”

Féministe presque malgré elle

Bardot n’est cependant pas une féministe dans le sens militant du terme. « Avec son combat, presque à son corps défendant si on peut dire, elle a montré qu’on avait le droit de vivre comme ça. C’était une sorte de coup de pied adressé à la bourgeoisie et à la bien-pensance” conclut Danièle Thompson.
”Elle était sans filtre et c’est cela qui a souvent provoqué l’émoi. C’était intéressant à explorer. Elle est toujours sans filtre aujourd’hui, ce qui explique qu’il y a souvent des débordements”, précise Christopher Thompson, avec ironie.

Tous les deux se sont notamment basés sur des photos de tournage incroyables pour recréer les scènes de la série tournée dans les lieux iconiques du film Et Dieu créa la femme. Le récit, proposé au fil de trois soirées sur France 2, sera ensuite disponible sur Netflix. Une saison 2 est envisagée.

”Ce serait intéressant de raconter les années 60. Là, elle n’a pas encore commencé à chanter. Elle n’a pas encore rencontré Gainsbourg. Elle n’a pas encore tourné Le Mépris… Et puis, il y a quelque chose d’intéressant à raconter dans son passage derrière l’écran ; son combat pour les animaux a un côté très précurseur” précise Christopher Thompson, imaginant déjà la suite.

BB, bienveillante ou pas ?

Lettres. Contactée par les deux scénaristes, Brigitte Bardot leur a répondu « qu’elle ne voulait pas participer au projet. Cette vie-là ne l’intéresse plus Elle ne veut plus s’exprimer que sur la cause des animaux, la seule qui l’intéresse encore aujourd’hui. Bien sûr, nous avons une responsabilité, car tous ceux qui n’ont pas connu les années 50 vont penser que cela s’est passé exactement comme cela. » À l’instar de la série The Crown qui a fait entrer quelques images fortes dans l’inconscient collectif.

Tranquillité. « Elle savait qu’un jour sa vie serait portée à l’écran, souligne la scénariste et réalisatrice Danièle Thompson. Elle était plutôt contente que ce soit par nous. Elle a été bienveillante, mais n’a qu’une envie : qu’on la laisse tranquille. »

« Biopic à la c… » À peine la nouvelle de la réalisation d’une série sur la vie de Bardot a-t-elle commencé à circuler que l’icône des sixties a déclaré se désintéresser de ce projet de « biopic à la c… ». Bienveillance ou laisser-faire, l’histoire finira sans doute par trancher…

50 ans plus tard. Hasard des calendriers, 1973 marque les adieux de la comédienne au cinéma pour se consacrer à la cause animale. C’était il y a cinquante ans, tout juste.

Entretiens: Karin Tshidimba, à Lille