La création norvégienne a été sacrée meilleure série ce mercredi soir. La sud-coréenne Bargain, les israéliennes Corduroy et Carthago complètent ce palmarès 2023 très politique où l’espagnole The Left handed son s’impose côté séries courtes et la série belge Draw for change parmi les documentaires.

Le palmarès de la saison 6 du Festival CanneSeries a fait la part belle à la marche du monde et à la voix des femmes, des appels à la liberté résonnant hier comme aujourd’hui.

Le prix de la meilleure série couronne la création norvégienne Power Play qui explore en 12 épisodes (12 x 55 minutes) les jeux de pouvoir développés au sein du Parti travailliste norvégien à la fin des années 70. La série suit l’ascension vers le pouvoir de la première femme devenue Première ministre de Norvège, Gro Harlem Brundtland, tandis que tout autour d’elle des hommes politiques, ni forcément compétents ni vraiment en quête du bien commun, passent tout leur temps à s’entre-déchirer.
Créée par Johan Fasting, Kristin Grue et Silje Storstein et réalisée par la cinéaste Yngvild Sve Flikke, cette comédie politique enlevée et improbable fait songer par certains ressorts à l’américaine Veep. Le rôle de cette jeune médecin, humble mais engagée pour l’accès à l’avortement et l’écologie, entrée presque par hasard en politique, est endossé par la comédienne Kathrine Thorborg Johansen.

Le ton décomplexé de cette comédie satirique a séduit le jury composé du comédien et scénariste Lior Raz (Fauda), de la comédienne Shirine Boutella (Christmas Flow), de l’actrice, scénariste et productrice Zabou Breitman, de l’acteur Daryl McCormack et du compositeur Stewart Copeland. La série, produite par la chaîne NRK, s’est également vue remettre le prix de la meilleure musique.

Critiques acerbes de notre société

Le prix du meilleur scénario a été attribué à la série sud-coréenne Bargain, une fiction volontairement sombre dont la trame mêle trafic d’organes et catastrophe naturelle, sous la forme d’un violent tremblement de terre. Une trame apocalyptique et visuellement impressionnante, qui dénonce les dérives d’une société de plus en plus individualiste. Inspirée d’un court métrage à la base, la mini-série, créée par Woo-Sung Jeon, Byeong-Yun Choi et Jae-Min Kwak, est déclinée en six épisodes.

Le prix de la meilleure performance revient à la comédienne et mannequin Dar Zuzovsky qui campe Danielle, jeune femme en quête de sensations fortes et en perte de repères, dans la série israélienne Corduroy.
Créée par la jeune scénariste et actrice Hadas Ben Aroya, la série marie volonté de s’imposer et quotidien bousculé. Interrogeant les nouvelles géographies des rapports hommes-femmes, la série observe aussi les errements d’une jeunesse éprise d’applis de rencontres et accro aux réseaux sociaux à Tel Aviv.

Un prix spécial d’interprétation a été attribué à l’importante équipe de la série israélienne Carthago qui aborde un épisode méconnu de la Seconde guerre mondiale : l’édification d’un camp par les Britanniques en Afrique afin d’y enfermer des espions nazis, des terroristes juifs et des fascistes italiens. Un projet historique de grande ampleur porté par Reshef Levi, déjà récompensé pour sa série très personnelle Nehama en 2019 à Canneseries. Ce récit à l’ironie mordante a également été récompensé par le jury étudiant de l’Académie de Nice.

Le prix de la meilleure série courte a été attribué à The Left handed son. Créée par Rafael Cobos, cette fiction espagnole suit une mère en pleine crise qui perd d’autant plus pied lorsqu’elle assiste à la dérive de son fils cadet attiré par un groupe néonazi.

Des citoyens en lutte pour leur liberté

La série belge Draw for change a été couronnée au sein de la compétition des séries documentaires. Réalisée par Vincent Coen et Guillaume Vandenberghe, elle met en lumière le travail d’illustratrices au Mexique, aux Etats-Unis, en Russie, en Inde, en Syrie et en Egypte. Mêlant documentaire et animation, elle aborde des thématiques très fortes comme les féminicides ou la représentation des femmes. Malgré la censure et les menaces, ces artistes rebelles continuent à dessiner et à témoigner.

Le Prix du jury Lycéens a récompensé la série québécoise L’air d’aller une fiction lumineuse et pleine d’énergie qui salue l’urgence de vivre et l’imagination débordante d’une bande de quatre jeunes adultes atteints de fibrose kystique.

Enfin, avec les prix remis aux comédiennes Sarah Michelle Gellar (Iconic Award) et Morfydd Clark (Rising Star) et le Prix de l’engagement attribué à Joey Soloway, scénariste notamment de Transparent, le festival CanneSeries a aussi apporté sa contribution à une représentation plus ouverte et plus égalitaire de toutes les voix en télévision et, particulièrement, dans le secteur de la création audiovisuelle. Reste à espérer que les séries primées seront rapidement proposées au plus grand nombre.

Karin Tshidimba, à Cannes