Portée par un quatuor talentueux – Jesse Eisenberg, Claire Danes, Lizzy Caplan et Adam Brody – la série est adaptée du best-seller éponyme de Taffy Brodesser-Akner. Plus que « la chronique d’un naufrage annoncé », elle porte un regard acéré sur la quarantaine et la valse des illusions perdues. La série est à voir sur Disney+ dès ce mercredi.
Après le choc, l’indifférence feinte et le sentiment d’humiliation, Toby (Jesse Eisenberg) était entré dans la phase de déni et de distraction. Choisissant de profiter pleinement de sa « liberté retrouvée », à 40 ans passés, il exploitait les infinies possibilités des applis de rencontre… Mais la blague, un peu répétitive et lourdaude, a rapidement tourné court. Car l’homme en question n’a rien d’un Dom Juan ou d’un mâle alpha aux muscles assaillants et à l’ego surdimensionné. L’homme en question cherche surtout à se consoler dans des bras accueillants de son naufrage après quinze ans de mariage.
Face à des exigences et des projets de vie devenus incompatibles, Toby Fleishman a dû se résoudre, la mort dans l’âme, à demander le divorce à sa femme, Rachel (Claire Danes, rendue mondialement célèbre par la série Homeland). Et affronter l’incrédulité, la colère et la tristesse de ses enfants, Hannah et Solly, perturbés par la désaffection soudaine de leur mère.
Adapté d’un best-seller générationnel
L’intérêt du scénario de Taffy Brodesser-Akner, inspiré du livre du même nom, est de se glisser dans les pas de ce père singulier, maternant et extrêmement proche de ses enfants, qui se retrouve un beau matin dans le rôle de l’époux délaissé, à rebours des nombreux clichés sur le fonctionnement traditionnel des couples. Médecin spécialiste dans les maladies du foie, Toby ne jouit nullement de l’aura habituellement attachée au titre de docteur, les riches amis de sa femme ne jurant que par le Cac 40, le golf, les levées de fonds prestigieuses et les importants dividendes. Et sa femme, elle-même, ayant essayé de le détourner de son métier depuis de nombreuses années.
Devenue agent artistique dans le milieu théâtral, Rachel Fleishman s’est fait un nom en découvrant une artiste dynamitant joyeusement les stéréotypes de genre et en s’imposant dans un milieu de requins, grâce à son ambition folle… Une ascension qui s’est faite au prix de longues soirées passées en repérages et négociations, souvent au détriment de sa présence auprès de Toby et de leurs enfants. Dit comme cela, le constat pourrait sembler ultra-sévère à l’égard de son épouse Rachel, mais Fleishman is in trouble n’est pas un scénario à voix unique qui tente de prouver que dans ce Kramer contre Kramer tous les torts sont forcément du côté de la mère démissionnaire.
Réflexion sur l’ultramoderne solitude dans une ville comme New York, et sur les rôles souvent préétablis que la société nous assigne, la série prend en compte de nombreux points de vue. Rapidement, elle élargit son spectre d’observation pour s’intéresser aux proches de Toby et de Rachel, et à leur façon d’affronter la fameuse crise de la quarantaine ainsi que le séisme que provoque forcément le divorce d’amis proches.
Le terme de séisme n’est pas trop fort. La sensation de Toby de sentir le sol se dérober sous ses pas et son monde mis sens dessus dessous, est transposé à l’image par un paysage incliné à 180 degrés. Ce nouvel espace-temps dans lequel il doit trouver de nouveaux repères en même temps que ses enfants. Cette quête de sens, personnelle et professionnelle, est aussi celle vécue par Libby (Lizzy Caplan) et Seth (Adam Brody), ses anciens meilleurs amis d’université avec lesquels Toby, plongé en plein spleen Woody Allenien, renoue après son divorce.
Une vaste exploration des sentiments
Posant son regard et sa caméra sur la vie et les aspirations de chacun d’eux, à son tour, la série ausculte le rapport entretenu par ces quatre quadragénaires, Américains issus de la classe moyenne, avec les mirages de l’époque : célébrité, argent, réussite professionnelle, épanouissement personnel, applications de rencontres, quête du parfait partenaire… Autant d’objectifs qui obtiennent un écho particulier dans le cocon doré de l’Upper East Side. La voix off, mi-féroce mi-sarcastique, de la narratrice n’hésitant pas à débusquer leurs paradoxes et leurs contradictions réciproques.
Pour une fois, la série porte bien son nom en français car Anatomie d’un divorce nous offre bien l’autopsie d’une relation qui avait démarré sous les meilleures auspices mais s’est rapidement embourbée dans les non dits et le ressentiment sans qu’aucun des protagonistes ne repère les signes avant-coureurs du cataclysme à venir. Aussi féroce que subtile, Fleishman is in trouble propose une plongée dans les tréfonds de la psyché humaine et les ressorts parfois usés ou brisés des relations humaines. Une exploration qui résonnera, forcément, de près ou de loin avec des expériences vues ou vécues par le public.
La série, produite par FX, est disponible dès ce mercredi sur Disney+.
Karin Tshidimba
★★★ Anatomie d’un divorce / Fleishman is in trouble Autopsie sentimentale Création Taffy Brodesser-Akner Réalisation Valerie Faris et Jonathan Dayton Avec Jesse Eisenberg, Claire Danes, Lizzy Caplan, Adam Brody Sur Disney+ Le 22 février (8 x 52’) Un épisode par semaine.
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