Sorte d’oeuvre au(x) Noir(s) braquant ses projecteurs sur l’Amérique et ses monstres, la série pose la question de la place des Afro-Américains en tant que héros de leur propre histoire. Sur Be1, à 20h30

Annoncée comme l’une des séries événements de cette fin d’été, Lovecraft Country prend place en 1954 dans une Amérique fièrement ségrégationniste, à l’aube du mouvement en faveur des droits civiques. Le titre de la série renvoie à l’univers fantastique de H.P. Lovecraft, empli de créatures hideuses et d’entités barbares. La série se réapproprie l’oeuvre de l’écrivain pour mieux la mettre en perspective et poser la question de la place des Afro-Américains en tant que héros de leur propre histoire.

On y suit Atticus Freeman (Jonathan Majors vu dans Da 5 Bloods de Spike Lee), jeune vétéran fraîchement rentré de la guerre de Corée, parti à la recherche de son père disparu dans d’étranges circonstances. Accompagné de son amie Letitia (Jurnee Smollett-Bell) et de son oncle George (Courtney B Vance), il parcourt le sud des Etats-Unis, autant d’Etats où trouver à se loger, à manger et à se ravitailler lorsqu’on est Noir, relève du parcours du combattant dans le sens plein et entier du terme.

Le voyage de tous les dangers

Cette trame fait immédiatement penser au film Green Book qui retraçait le périlleux voyage d’un musicien noir (Mahershala Ali) et de son chauffeur blanc (Viggo Mortensen) à travers le Sud raciste des Etats-Unis. Où l’on constate que le quotidien, peuplé de flics racistes et de citoyens condescendants, soupçonneux ou hargneux, est nettement plus source d’angoisses pour les Afro-Américains que la survenue de créatures fantastiques ou paranormales.

Outre la violence et le racisme ordinaire, le trio devra faire face à l’attaque d’hydres monstrueux, aux pièges de maisons hantées, aux menaces de sociétés secrètes et suprémacistes. Matérialisant ainsi les principales sources d’angoisse et de dégoût qui jalonnent l’histoire des Etats-Unis à travers ce conte symbolique qui veut marquer les esprits et susciter la réflexion.

Adaptée par Misha Green, du roman de Matt Ruff, publié en 2016, la série est produite par Jordan Peele, dont les précédentes oeuvres (The Twilight Zone, Get Out, Us) s’inscrivent dans cet univers utilisant l’horreur pour mieux dénoncer la peur de l’autre et le racisme. JJ Abrams, maître du fantastique en séries (Lost, Star Wars) est son complice dans cette aventure. Quant à la scénariste Misha Green, elle s’est fait connaître avec sa transposition du roman Underground Railroad qui suit un groupe d’esclaves en fuite à travers les Etats confédérés. Une histoire vraie qui résonne encore à l’époque où se déroule l’intrigue de Lovecraft Country.

Pour symboliser cette lutte souterraine, qui passe avant tout par les mots, les symboles forts et le nécessaire changement de mentalités, la voix de l’écrivain et activiste James Baldwin jaillit au coeur du récit : elle guide le spectateur à travers les richesses de la culture afro-américaine et de la pop culture en général.

Mariant épopée et références multiples au fantastique, Lovecraft Country propose une intrigue aux accents résolument modernes, menée pied au plancher, de rebondissements en surprises, tout en s’inscrivant dans la droite ligne des revendications du mouvement Black Lives Matter. Avec Michael Kenneth Williams, dans le rôle du père disparu, et Wunmi Mosaku.
Une série HBO à découvrir au rythme d’un épisode par semaine, également sur OCS en France.

Karin Tshidimba