En ce mois de novembre 2018, Nicolas Mathieu vit un double bonheur. Son roman Leurs enfants après eux (Ed. Actes Sud) a été couronné du prix Goncourt la semaine dernière et ce jeudi, l’adaptation télévisuelle de son précédent ouvrage, Aux animaux la guerre**, va être diffusée à 21h sur France 3. Preuve supplémentaire que la chance sourit aux audacieux.
L’écrivain Nicolas Mathieu a en effet mené en partie, lui-même, l’adaptation de son trhiller social en une mini-série en six épisodes. Une tâche qu’il a menée à bien avec le concours du scénariste et réalisateur Alain Tasma.

Sortie d’usine et désillusions

Dans Aux Animaux la guerre, on suit Rita Kléber (Olivia Bonamy), inspectrice du travail déterminée et légaliste, tout en restant profondément humaine, forcée de constater bien plus de faillites et de magouilles qu’elle ne le voudrait. Une femme dont la vie privée est hantée par le grand vide laissé par la disparition de son compagnon.

Face à elle, Martel (Roschy Zem) doit cumuler deux boulots – ouvrier en usine et videur dans la boîte de nuit « Le Sphinx » – pour parvenir à payer la maison de repos de sa mère (Dani) qui souffre d’Alzheimer.

Son acolyte Bruce (le débutant Florent Dorizon), montagne de muscles presque sans cervelle, a une relation très tendue avec son grand-père. Le vieil homme passe tout son temps enfermé dans la cave à ressasser ses souvenirs de l’OAS tandis que son petit-fils s’adonne à un tas de petits trafics pour survivre…

Dans la région déjà durement frappée par le chômage, l’usine automobile Vélocia incarne le seul horizon pour une jeunesse qui caresse pourtant les rêves d’un ailleurs plus prometteur. Mais l’entreprise est en difficulté et tous les ouvriers ont peur. À commencer par Patrick Locatelli (Eric Caravaca) qui participe à des rallyes automobiles locaux pour oublier son quotidien d’ouvrier.

Les ombres du déclassement social

La bande-son de la série, entre heavy metal et variété française, vient souligner le côté oppressant de cette intrigue sociale lovée au cœur des Vosges, région en pleine désindustrialisation. Une inquiétude que traduit le titre de la série en forme d’hommage à Lafontaine et à ses animaux malades de la peste. « Ils ne mourraient pas tous mais tous étaient frappés. » Dans cette région sinistrée, personne ne semble épargné par la menace du lent déclassement social, la chute libre vers les magouilles et l’engrenage mafieux. Comme l’illustre l’extrait ci-dessous…

En s’immisçant dans le cercle des « perdants », personnages profondément humains et complexes, Alain Tasma et Nicolas Mathieu – qui connaît bien la région et ses fantômes -, signent une saisissante fresque humaine et sociale sur la dégringolade des plus fragiles.
Le comédien Roschdy Zem n’a pas volé le prix d’interprétation masculine reçu lors du dernier Festival Séries Mania en avril dernier, mais tout le reste du casting (notamment les jeunes Rod Paradot et Lola Le Lann) est à la hauteur du défi d’acteur qu’il s’est imposé.

Karin Tshidimba

Aux animaux la guerre, Nicolas Mathieu, Ed. Actes Sud, 2014