Maroni Koda.jpgIls étaient près d’un milion (945 000 Français très précisément) à embarquer pour la Guyane hier soir sur les traces de Maroni, les fantômes du fleuve, sur Arte. Un voyage qui a laissé des souvenirs indélébiles à l’un de ses principaux acteurs: Issaka Sawadogo.

La carrure imposante et le teint d’ébène d’Issaka Sawadogo lui assignent souvent des rôles de types peu amènes, patibulaires. C’était le cas dans Guyane la série de Canal+ où il campait Louis, bras droit d’un chercheur d’or. Un barbouze à qui personne ou presque ne parvient à décrocher un sourire. Dans Maroni, les fantômes du fleuve, série présentée au Festival de la fiction TV de La Rochelle, diffusée ce jeudi sur Arte, il est le commissaire Koda, homme fort et flic intraitable tentant de garder son jeune collègue Dialo loin des abysses où l’entraîne son enquête.

Pour les besoins de ces deux rôles, le Burkinabé a passé neuf mois sur place (6 pour la série Guyane et 3 pour la série Maroni). Un expérience qui ne lui laisse que des bon souvenirs. Entretien 

Guyane.jpeg« C’était magnifique. La Guyane, c’est comme l’Afrique. Je me suis senti chez moi là-bas. C’est un pays sous-développé qui a des problèmes de minerais, plus qu’en Afrique encore. La population ne dispose pas des infrastructures de base qui permettent d’avoir des repères de développement. Malgré le nom, ce n’est pas la France, en tout cas. De prime abord, cela m’a beaucoup choqué. C’est un pays qui est le poumon du monde, une nation qui se dit française, qui a plein de potentialités pour se développer mais qui est laissé à l’abandon. Il faut arriver, à travers la série, à faire ressortir les fondements de ce chaos-là pour que les gens puissent en prendre conscience. Il ne faut pas laisser ce bijou comme cela. »

Changer l’image du pays

La série a amené toute l’équipe à aller à la rencontre de la Guyane et de ses habitants. « A travers la forêt et la dureté de la vie là-bas. La population est fantastique mais il y a un fond de violence que je ne comprends pas, alors qu’il y a tout pour en faire un pays formidable. Les gens font des efforts. Je vois des hommes et des femmes qui se battent pour leur famille mais aussi des enfants qui sont abandonnés. Pendant mon séjour, j’ai vu des jeunes dans la rue qui n’ont aucun repère de développement et j’ai compris leur problème parce que je viens d’Afrique. Certains, à l’école, ont le cadre éducatif mais aucun cadre familial donc quand ils arrivent à la maison, ils sont abandonnés à eux-mêmes. C’est comme cela que, peu à peu, ils sont versés dans la famille de la rue. Avec son cortège de dangers et d’excès : bagarre, drogue, alcool, armes… Certains ramènent d’ailleurs cette violence à l’école. »

L’image de la Guyane montrée dans ces deux séries est donc réaliste ?

« Oui, c’est assez réaliste. On voit même que les problèmes environnementaux s’aggravent aujourd’hui. On voit comment la forêt amazonienne est décimée, de jour en jour, par les orpailleurs soi-disant «clandestins». Car on ne sait pas toujours qui est illégal et qui ne l’est pas. »

Issaka Sawadogo a établi une “connexion particulière” avec la population comme s’il avait toujours vécu dans ce coin reculé d’Amérique du Sud. Passant dans les classes, le comédien a discuté avec élèves, professeurs et parents des opportunités à saisir pour ce territoire qui n’a de français que le nom. Au point que l’acteur a été surnommé “le maire de Guyane” en raison de ses actions visant à doper le développement et la réputation du pays.

« Je leur ai dit que, comme c’est le cas pour nous en Afrique, il faut développer nos potentialités nous-mêmes et faire en sorte de changer l’image que les autres populations ont de nous. Grâce à notre culture, à notre façon de vivre et à une prise de conscience de la jeunesse. En Guyane, comme en Afrique, si la population s’organise et se développe, elle va découvrir toutes les richesses dont d’autres nations essaient de s’emparer et de la priver. Ceux qui exploitent les richesses de la Guyane, comme celles de l’Afrique, ont intérêt à ce que la population reste dans l’ignorance et le sous-développement. Il faut prendre son destin en mains et ne rien attendre des autres. Il faut arrêter la violence, le vandalisme contre les politiciens véreux et s’organiser avec ceux qui ont pu faire des études ou qui ont voyagé et qui ont le courage de revenir au pays, comme je l’ai fait au Burkina Faso après 22 années passées en Norvège. »

Entretien: Karin Tshidimba