Une valise est retrouvée sur la plage. D’un de ses coins fissurés s’échappe la longue chevelure noire d’une jeune femme asiatique échappée d’une maison close toute proche.
Fraîchement revenue en Australie après une déception sentimentale de taille, la détective Robin Griffin (Elisabeth Moss, photo) se rue sur cette nouvelle enquête. Le sort de cette China Girl** devient sa nouvelle obsession, sa raison de se lever chaque matin.
Forcée à travailler en duo avec une jeune recrue inexpérimentée (Gwendoline Christie, à droite sur la photo), Robin manifeste son agacement vis-à-vis de cette partenaire qu’elle juge trop émotive et maladroite. La série tente d’ailleurs d’introduire une touche d’humour avec ce personnage de flic fragile, bien loin de celui de Brienne de Torth dans Game of Thrones. Mais il faut de la patience avant que la recette ne prenne.
Hantée par le viol qu’elle a subi lorsqu’elle avait 16 ans, Robin l’est aussi par l’idée de retrouver sa fille, adoptée par un couple d’Australiens hors normes. Pour Julia (Nicole Kidman, bluffante), la mère adoptive de Mary, le moment est d’autant plus malvenu que l’adolescente est en pleine crise et refuse désormais de lui adresser la parole.
« China Girl », la saison 2 de Top of the lake** débute ce jeudi à 20h55 sur Arte.
Des voix dispersées
Si cette saison 2 de Top of the Lake reprend quelques-uns des thèmes déjà exploités précédemment (la violence faite aux femmes, la solidarité féminine…) sa tonalité générale est très différente.
Il ne s’agit pas d’un chœur de femmes fragiles mais solidaires, fortes ensemble, comme en abritait le camp « Paradise » de la saison 1. Cette fois, ce sont des voix solitaires qui tentent de se faire entendre : la femme bafouée, la mère délaissée et amère, l’adolescente frondeuse et subjuguée (Alice Englert) et quelques autres âmes sérieusement à la dérive. Face à elles, des mâles aux profils peu reluisants : un pervers narcissique, un ado attardé et obsédé, des collègues machos et franchement lourdauds…
Elisabeth Moss retrouve l’intranquillité et l’obstination viscérales de la détective Robin Griffin. Ce côté renfrogné, distant et sur ses gardes qui fait le lien avec d’autres personnages qu’elle a si subtilement composés au fil des ans : Peggy dans « Mad Men », Offred dans The Handmaid’s tale…
Quant à Nicole Kidman, elle offre une fois encore une prestation impressionnante avec ce personnage de mère pleine de rancœur face à une enfant qu’elle a adoptée, chérie et élevée mais qu’elle ne comprend absolument plus aujourd’hui.
Face à ces deux actrices de talent, on devrait être subjugué, emporté, conquis…
Mais la réalité crue, décrite sans grande subtilité au départ, fait parfois obstacle à notre désir de comprendre.
La mélancolie, envolée
Exit la nature ensorceleuse et atypique de la Nouvelle-Zélande. Cette narration follement mélancolique disparaît au profit d’un polar citadin moins contemplatif. Un changement de lieu et de ton qui se traduit jusque dans le scénario souvent glauque mais nettement moins entaché d’étrangeté.
L’intrigue a perdu ce voile de mystère qui faisait sa singularité et sa force en saison 1 pour s’ancrer dans la réalité d’une « banale » enquête policière, même si les questions qu’elle soulève restent essentielles face au fonctionnement de notre société.
Moins mystérieuse, cette saison 2 (6 épisodes) reste tout aussi sordide dans son exploration des différentes formes de maltraitance des êtres humains et des femmes en particulier. Une fois encore, une jeune femme enceinte est au cœur de l’enquête et les temps sont d’autant plus durs pour l’inspectrice Griffin qu’elle est poursuivie par les ratés de son propre passé.
La difficulté de se connecter
Il y a des moments de grâce et de connexion humaine dans cette saison 2 mais elle tarde tellement à prendre son envol qu’elle risque d’avoir perdu une partie de son public avant d’avoir atteint sa vitesse de croisière. On regrette surtout l’alchimie qu’elle peine à établir entre ses personnages féminins principaux qui promettaient beaucoup sur le papier: Nicole Kidman, Elisabeth Moss et Gwendoline Christie. Chacune livre une partition ambitieuse séparément, mais tout cela manque parfois de liant.
Mention spéciale, en revanche, pour David Dencik qui parvient à composer un manipulateur cyclothymique tout à fait abject.
KT
petite info bonus: Présentée en avant-première lors du Festival de Cannes en mai dernier, cette nouvelle saison pivote autour du personnage de la jeune Mary jouée par Alice Englert, la fille de Jane Campion.
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