DSCF4181.jpgLa boue s’est invitée dans cette ruelle de Bry-sur-Marne reconstituée façon XVIIe siècle pour les besoins de la série Versailles. Les effluves rances de la tannerie toute proche ajoutent un réalisme saisissant à la vue d’ensemble de la place du marché, où l’étal du maraîcher côtoie la charrette du boulanger.
C’est la grande nouveauté de cette saison 3 qui va délaisser par moments les intrigues de la Cour pour s’intéresser à la vie du «bon peuple» de France. De nombreux figurants ont été recrutés pour l’occasion, dans la banlieue toute proche, afin de conférer un maximum de réalisme à la scène du jour qui s’invite dans les rues d’un Paris populaire. Lorsqu’on découvre leurs trognes crasseuses et leurs vêtements rapiécés et défraîchis, l’illusion semble parfaite.

Réalisme troublant et souci du détail

Les studios de Bry-sur-Marne abritent la chambre du Roi, la chapelle royale, la salle des portraits et les différents lieux emblématiques de la Cour qui ont accueilli les intrigues des saisons 1 et 2.
Soit un ensemble impressionnant de pièces que nous avons visitées en compagnie de Denis Seiglan, chef décorateur de « la série la plus chère de l’histoire de la télévision française » avec ses 27 millions de budget global pour les 10 épisodes que compte chaque saison.

A nouvelle saison, nouveaux enjeux et nouveaux lieux. A quelques mètres des studios, une rue centrale a été entièrement reconstituée au départ d’un décor des années 50 rhabillé par les équipes de Versailles, passées maîtresses dans l’art de la décoration et du mobilier chers au Roi Soleil.

Versailles, une coproduction devenue (un peu) belge

DSCF4131.jpgLa série historique, créée par Simon Mirren et David Wolstencroft, est diffusée depuis le 16 novembre 2015 sur Canal+. Dans cette 3e saison, elle prend un nouveau virage. Le partenariat franco-canadien, à l’origine du projet, s’est transformé en alliance franco-belge à l’aube de cette 3e saison (cf. note précédente).
Outre la post-production, qui sera entièrement réalisée en Belgique dès la semaine prochaine avec l’aide de la RTBF et de la société de production « Entre chien et Loup », quelques postes, et non des moindres (notamment au « son »), sont occupés par des Belges lors de ce tournage d’envergure qui s’achève vendredi.

C’est Pieter Van Hees (« Waste land ») qui s’est glissé derrière la caméra pour le tournage de cet épisode 8 qui – comme c’est souvent le cas dans la saga Game of Thrones – risque de faire pas mal de bruit.
Impossible, pour l’heure, d’en livrer la teneur : le scénario est classé secret défense.

L’accord avec la production est on ne peut plus clair : on peut regarder et discuter avec tout le monde mais rien, concernant cette intrigue, ne devra circuler sur les réseaux sociaux ou ailleurs, avant la diffusion sur antenne. Pas même l’ombre d’une petite photo prise à la dérobée sur le plateau ou en coulisses. Pour immortaliser cette fameuse scène qui nécessite la présence de 80 figurants, et une équipe renforcée aux postes HMC (habillage, maquillage, coiffure), un photographe de plateau a été expressément dépêché sur place par Canal+ qui a ensuite soigneusement choisi les clichés garantis 100 % sans spoiler.

Dans cette saison 3, rien ne semble plus pouvoir contrecarrer les ambitions de Louis XIV, de plus en plus absolutiste et intransigeant, à l’image de sa nouvelle favorite Madame de Maintenon. Mais ces rêves ont un coût dont le peuple est las de payer le prix. Un mystérieux prisonnier dissimulé derrière un masque fait peser une nouvelle menace sur le Roi…

Le faste et l’authenticité de la chambre du Roi

C’est une version moderne de la caverne d’Ali Baba dont les coffres, les joyaux et le mobilier auraient déjà été remisés. Deux semaines avant la fin du tournage, fixée ce vendredi, les 2000 m² de décors intérieurs sont en cours de démontage. L’équipe passe les derniers jours de tournage dans les châteaux (Versailles, Champlâtreux, Vaux-le-Vicomte et Lesigny) qui offrent à la série ses images les plus spectaculaires : jardins, allées, Galerie des glaces et escaliers monumentaux.

DSCF4111.jpgMême vides, la quinzaine de pièces créées pour le tournage en studio (sans compter le couloir secret ou le grenier de Versailles) ont gardé le parfum et l’atmosphère de la série et l’on se surprend à sourire en pénétrant dans la chambre du Roi ou dans la salle des portraits. Il faut dire que chaque pièce a été soignée dans les moindres détails.

« Le décor du grand salon, très sophistiqué, a requis 8 semaines d’efforts pour 25 à 30 personnes car de nombreux corps de métier étaient impliqués (menuisiers, peintres, sculpteurs,…) Il y a une longue recherche historique et une phase importante de dessins en amont », précise Denis Seiglan. « Les portes sont des copies de celles de Versailles: on est allé sur place pour faire les relevés et les photos, on les a dessinées pour pouvoir réaliser des copies à l’identique. »

« Les équipes s’étoffent en fonction de l’intensité du chantier : entre 2 ou 3 et 80 personnes lorsqu’on travaille sur plusieurs décors à la fois, explique Denis Seiglan, le « production designer » (chef décorateur). Quand on a commencé à travailler sur les décors des quatre premiers épisodes (le tournage a débuté le 3 mai dernier, NdlR), on ne savait pas encore quels décors seraient utilisés en septembre. L’écriture se fait au fur et à mesure des blocs (par blocs de trois épisodes). Certains décors se rajoutent en fonction du scénario et de nouvelles séquences. C’était le cas pour le grenier. »

La plupart des décors sont en bois peint pour la souplesse et la facilité de fabrication.
versailles chambre.jpg« Et puis, le bois permet de démonter facilement et de stocker les décors. Une partie des éléments est amovible et sur roulettes (par exemple, les alcôves) pour permettre les mouvements de caméra. Cela se rapproche de la conception des décors au théâtre, en fait. C’est l’intérêt de tourner en studio : ne pas être bloqué par un mur maçonné, avoir une mobilité et une souplesse qui n’existent pas dans les décors extérieurs. »

Même fastueux – avec étoffes, moulures, sculptures et dorures – il est très rare que les décors soient réutilisés. « Une production n’a pas envie de retrouver son décor sur un autre film, explique Denis Seiglan. Il m’est arrivé une fois de vendre un décor. Mais la plupart sont détruits après le tournage. Ici, il y a quand même un comédien qui insiste vraiment pour garder un bout de mur. On va voir… »

Versailles « in real life »

Le succès de la série Versailles, diffusée dans 136 pays, ne se dément pas. Fin juillet, la chaîne américaine Ovation, ravie de son succès auprès du public, a d’ailleurs fait venir la chef costumière (Madeline Fontaine) et trois comédiennes afin de marquer dignement le lancement de la saison 2 sur son antenne.

Autre illustration du succès de la série : l’exposition «Vaux-le-Vicomte fait son cinéma» accueille, parmi d’autres trésors, 22 costumes de la série jusque fin novembre. Un argument qui devrait décider de nombreux fans à faire le déplacement, en attendant la diffusion attendue en avril prochain.

Karin Tshidimba, à Bry-sur-Marne

photos: Leila Moghtader (Capa Drama/Banijay Studios France/Entre Chien et Loup /Canal+)