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Empire.jpg« La série Empire est devenue un phénomène parce qu’elle résonne avec la vie des gens et dépasse les frontières des origines, de la religion, de l’âge, de la sexualité, du genre. Nous sommes juste une famille. Au-delà du glamour, de la musique et de la célébrité – qui attirent les regards comme dans les reality shows -, nous avons donné vie à la famille Lyon qui se débat avec des problèmes universels et tente de les gérer du mieux qu’elle peut. Lorsqu’on enlève le décor, les beaux vêtements et les bijoux, on voit que Cookie (la comédienne Taraji P. Henson, NdlR) est une femme qui souhaite que tout aille bien pour les siens. Tout le monde peut s’identifier à cela, qu’on ait des enfants ou pas. »

Concernant son rôle de Jamal, le fils mal aimé car jugé trop effacé, trop faible par son père Lucius Lyon (Terrence Howard photo du bas), à la tête de la célèbre maison de disques, véritable Empire du hip-hop, son interprète, l’acteur Jussie Smollett, confie en souriant: « On peut tous s’identifier avec le fait d’être mal jugé ou victime de préjugés. » Rencontré dans le cadre du Festival de Télévision de Monte-Carlo, le comédien s’est penché avec nous sur le succès des séries musciales: Empire, bien sûr, mais aussi Atlanta, Power (série produite par 50 Cent, dont la saison 4 a démarré ce dimanche) ou The Get Down.

Avec cette recette universelle (famille, tensions, discordes et héritage) mise au service de l’univers de la musique, l’acteur avait-il anticipé le succès de la série « Empire » ?

Empire famille.jpg« J’avais juste besoin d’un job… (Il rit) Non, dès que j’ai lu le scénario de Lee Daniels, j’ai su qu’il était spécial mais je ne pensais pas qu’il allait résonner de cette façon au sein du public. Je suis comédien depuis l’âge de 4 ans, mais parfois on se trompe. On participe à un projet qui nous semble super et les gens dans le public restent perplexes. Cette fois, on pensait que cela toucherait la critique mais le succès de la série a dépassé de très loin ce que l’on avait imaginé. »


« Seule la musique permet ce type de connexions »

« J’étais au restaurant l’autre soir, ici, à Monte-Carlo et il y avait deux musiciens qui chantaient en s’accompagnant à la guitare. De l’autre côté du restaurant, il y avait un couple blanc d’âge mur. Je mentionne leurs origines parce que dans notre histoire, cela a de l’importance. J’étais vraiment pris par la chanson et le couple aussi. Ils se tenaient par la main, la dame a commencé à pleurer et cela m’a fait pleurer. Nous nous sommes envoyés des signes d’affection à travers la salle. C’est dire la force de cette communion car entre cette femme et moi, il y avait de grandes différences (sociales, origines, etc.). Sur papier, nous n’avions aucune raison de nous connecter l’un à l’autre mais c’est arrivé, même si ce n’était que quelques minutes. C’est la force de la musique, surtout dans ces temps si lourds et pénibles. Nous avons besoin de bonne musique plus que jamais. Empire n’est pas une série à propos de la célébrité, c’est une série sur les sentiments et sur nos émotions », explique Jussie Smollett.

Empire frères.jpg« Nous sommes dans une société très voyeuriste où chacun veut comparer sa vie avec ce qu’il voit à l’écran. Des séries comme Empire, AtlantaThe Get Down ou Vinyl, ont montré des gens qui tentaient de tirer le meilleur parti de leur vie, avec la musique en toile de fond. »

Comédien depuis l’âge de 4 ans, Jussie Smollet a su très tôt qu’il s’agissait d’un vrai métier et qu’il souhaitait poursuivre dans cette voie.
« Mais c’est sans doute à l’âge de neuf ans que j’ai réalisé ce que cela pouvait représenter sur le plan émotionnel et l’importance que cela pouvait avoir pour le public. C’était pendant un tournage en Caroline du Sud où je jouais le fils d’Halle Berry et Danny Glover, dans la mini-série Queen, la suite de Roots qui conte l’histoire d’une famille d’esclaves. Ce tournage m’a ouvert les yeux… Je partage la sensibilité et le sens de la loyauté de mon personnage Jamal mais les débuts ont été très différents pour moi. Je ne suis pas né avec une cuillère d’argent dans la bouche. Pour moi, il n’y avait pas de cuillère du tout. Point à la ligne. Je regarde donc le monde de façon très différente de lui, je n’ai pas eu d’abri et de guide, comme lui, pour m’ouvrir la voie. »

« Il ne manque plus que Janet Jackson »

« Rencontrer toutes ces stars dans la série, c’est comme un orgasme artistique », explique-t-il en riant. « Comme si tous mes rêves d’enfant devenaient réalité en même temps. J’ai eu l’occasion de parler au téléphone avec Prince pour cette série. C’est incroyable et formidable… je ne trouve pas d’autres mots. Et ce qui m’a frappé, c’est que ce sont les artistes avec la plus belle longévité qui sont les plus humbles et les plus sympathiques et qui ont le plus de respect pour toute l’équipe, depuis les preneurs de son jusqu’aux maquilleurs et techniciens. C’est ce qui m’inspire le plus. Cela prouve qu’on n’est pas obligé d’être une pourriture pour réussir. » (Il rit)
« J’ai eu comme partenaires Maria Carey, Alicia Keys ou Estelle, donc si on me demande qui ajouter à cette liste de collaborations formidables, je vise haut et je souhaiterais avoir Janet Jackson ou Maxwell. Il ne manque plus qu’eux dans notre série. »

Auteur et compositeur, Jussie Smolmlett est un artiste complet dont les titres récents – comme F.U.W – embrasse les combats actuels de la population noire aux Etats-Unis (cf. le commentaire ci-dessous)…

« Mes parents trouvaient que c’était déjà assez dur de vivre en tant que Noir aux Etats-Unis sans rajouter la difficulté d’être gay »

L’homosexualité de Jamal, son personnage, reste une question délicate, surtout dans la communauté noire. Et il est bon que la série « Empire » ait choisi de l’affronter, estime le comédien.

Empire Lucius.jpg« Pour moi, faire mon coming out n’était pas important car les personnes qui avaient besoin de savoir qui j’étais vraiment étaient ma famille. Les autres ne comptaient pas. Mais les gens continuaient à me poser des questions sur mes liens avec mon personnage et je n’aurais pas voulu que la jeune génération pense que je les réfutais. Je ne voulais pas parler de ma vie privée, c’est tout. J’ai décidé d’en parler pour que les jeunes qui regardent le show réalisent que ce n’était pas juste une storyline de la série mais bien une réalité pour certaines personnes. J’ai voulu en parler moi-même afin que mon point de vue ne soit pas détourné et afin d’enlever le pouvoir que certains pensaient avoir sur cette histoire. On n’est pas toujours obligés d’être d’accord mais le plus important est de laisser chacun vivre sa vie et respecter les libertés de chacun. Comme tous les parents, mes parents s’inquiétaient pour moi, ils trouvaient que c’était déjà assez dur de vivre en tant qu’homme noir aux Etats-Unis. Ils pensaient que d’être gay rajoutait à la difficulté… Lucius (Terrence Howard, photo) lui aussi est en chemin sur le sujet, vis-à-vis de son fils Jamal » conclut l’acteur en souriant.

Aux Etats-Unis, la saison 4 est attendue sur la Fox en septembre prochain.

Entretien: Karin Tshidimba, à Monte-Carlo