Localisée en Caroline du Nord, la nouvelle saison d’American Crime*** aborde la question de l’esclavage moderne. Un phénomène plutôt répandu puisqu’il concerne 39 % des 150 000 ouvriers agricoles de cet État, qui déclarent avoir été victimes de trafic ou de violences. Un secteur qui, bien qu’en difficulté, pèse près de 200 milliards de dollars dans l’économie américaine.
La force de John Ridley (« 12 years a slave ») est de ne pas rester au niveau des chiffres et des problématiques mais de leur donner vie et chair à travers ses personnages qui sont tous confrontés à leurs rêves et à leurs dilemmes personnels. Ce faisant, Ridley interroge l’ordre des choses et pose sa caméra là où celles-ci dérapent le plus.
Dans cette saison 3 lancée le 12 mars dernier aux Etats-Unis, on suit Luis (Benito Martinez, photo), travailleur clandestin venu chercher aux Etats-Unis bien plus que le spectre d’une vie meilleure. Shae, mineure sans ressources qui sait déjà qu’être à l’abri (et disposer d’un repas et d’un lit) a un prix. Et Coy Henson (Connor Jessup) qui voudrait rompre avec son quotidien de toxico…
Shae croise la route de Kimara (Regina King, photo) travailleuse sociale qui veut encore croire au bien-fondé de sa mission et rêve aussi désespérément d’avoir un enfant. Tandis que Jeannette (Felicity Huffman, photo du bas) découvre, à l’occasion d’un incendie dans un baraquement, la face sombre du travail agricole géré par sa belle famille.
Après le racisme (en saison 1) et l’homophobie (en saison 2), John Ridley aborde la question de l’exploitation des êtres humains, qu’il s’agisse de travailleurs clandestins ou de prostitués mineurs. S’attachant au revers du rêve américain, il en démontre les limites et les écueils avec un soin documentaire mais une profondeur de champ que seule permet la fiction.
La force de Ridley est de s’attacher à l’Amérique profonde, loin des grandes villes, et de se pencher sur cette classe moyenne supposée sans grands tourments mais que l’on perçoit de plus en plus en souffrance. Après les mondes judiciaire (saison 1) et scolaire (saison 2), il entre de plain-pied dans le monde rural qu’il ausculte sans animosité ni manichéisme. Avec une constante : pointer les inégalités sociales et raciales qui, partout, se répandent dans un pays profondément en crise.
À chaque saison, Ridley rebat les cartes : nouvelles histoires, nouveau drame, mêmes acteurs : Felicity Huffman, Regina King, Benito Martinez, Timothy Hutton, Richard Cabral… Demeure toutefois cette façon unique de dépeindre les Etats-Unis et d’écouter ceux qui ne constituent souvent qu’une voix au cœur de la nuit, interceptée par les services d’urgence du 911.
Malgré ses ambitions affichées, cette anthologie peine désormais à rassembler les foules sur ABC. C’est vraisemblablement son autre point commun avec la série culte de David Simon, The Wire qui, comme elle, est parvenue à lier étroitement préoccupations politiques et sociales avec une narration très haut de gamme, mais n’a connu qu’une reconnaissance tardive… Il est donc urgent de la porter à la connaissance du plus grand nombre. D’autant que cette saison ne comptera que huit épisodes au total.
KT
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