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zone blanche.jpegLa série franco-belge Zone blanche va être montrée dans la section « spéciale séries » de la Berlinale, qui se déroulera du 9 au 19 février prochains.
Après avoir eu les honneurs du Fipa à Biarritz, la série policière en 8 épisodes est aussi projetée cette semaine au Festival de Luchon. Autant de sélections qui ravissent ses producteurs Ego Productions et Be-Films et ses futurs diffuseurs, la RTBF et France 2.

Nous avons discuté de la genèse de ce projet, tourné en partie en Belgique l’été dernier, avec son scénariste et créateur, Mathieu Missoffe, avec l’un de ses réalisateurs Julien Despaux et l’un de ses producteurs, Vincent Mouluquet. Tous les trois étaient présents à Biarritz.

mise à jour (04/02): au Festival de Luchon, le prix de la meilleure réalisation a été attribué à Julien Despaux et Thierry Poiraud; le prix de la meilleure photographie salue le travail de Christophe Nuyens et le prix du meilleur espoir masculin récompense Hubert Delattre. Joli triplé pour Zone blanche

Créée par Mathieu Missoffe, « Zone blanche » imagine une petite ville enclavée au sein d’une forêt dense et mystérieuse, sorte de « zone frontière reculée et hostile » où la nature tient une place prépondérante. A Villefranche, les portables ne passent pas, les GPS restent muets et même les micro-ondes sont déboussolés.

zone blanche 1.jpgMalgré une densité de population relativement faible, le taux de meurtres et d’affaires non résolues y explose. Le Major Laurène Weiss (Suliane Brahim de la Comédie-Française) s’efforce de percer les mystères de l’endroit. A commencer par celui de son propre enlèvement 20 ans plus tôt. Intrigué par les causes de ce regain de criminalité, le procureur Siriani (le comédien belge Laurent Capelutto) décide de venir s’informer sur place…

Ils ont entendu l’appel de la forêt

A l’image, cette vallée enclavée entourée de forêts semble tout de suite familière en raison des nombreuses références du moment : La Trêve, Les Revenants mais aussi la tutélaire Twin Peaks. Un mélange des genres (policier et étrange) que vient déjouer par petites touches une belle dose d’humour décalé…

zone blanche tournage.jpg« Tous les trois, on avait déjà fait de la série policière et on avait envie de dévier le propos en créant des sentiments et des émotions plus ambiguës », explique le créateur Mathieu Missoffe.
Si le producteur et les réalisateurs reconnaissent des influences comme les frères Coen ou la série Les Revenants de Canal+, ils pensent que « Zone blanche » a surtout obtenu le feu vert de France 2 en raison d’un « début d’air du temps » qui permet aux fictions « de genre » de s’épanouir en télévision.

« Aujourd’hui il y a énormément de nouvelles séries, et donc une vraie attente de diversification de la part du public. On a le sentiment qu’il y a davantage d’espace pour tenter de nouvelles expériences en télévision qu’au cinéma où les projets restent très compliqués à monter« , explique le réalisateur Julien Despaux.

« On a assumé au fil du développement cette volonté d’étrange car il a fallu convaincre la chaîne et trouver le moyen d’ouvrir les portes qui nous menaient vers cet univers, précise Mathieu Missoffe. Au départ, cela s’appelait ‘Zone blanche’ car on devait filmer sous la neige, mais on s’est rendu compte que c’était très compliqué et que la forêt était davantage porteuse d’étrange que la neige. » Comme l’a récemment démontré la série suédoise Jordskott sur Arte. D’où la référence explicite aux zones qui, en France, ne permettent d’accéder ni aux portables ni à l’Internet.

Un western contemporain

zone blanche laurène.jpg« Les premières discussions remontent à il y a 4 ans (fin août 2012). La seule chose qui n’a pas changé depuis le départ, c’est l’idée de la communauté et de son shérif. On avait envie de renouveler le polar, de sortir du cadre urbain, de pouvoir faire de belles images tout en ramenant du romanesque dans le champ d’exploration, en développant un western contemporain », poursuit Vincent Mouluquet. L’accord n’a été signé avec France 2 qu’un an plus tard (fin 2013). « On savait que la chaîne devait renouveler son offre de polars, il y avait une fenêtre de tir possible… »

La forêt est celle des Vosges même si l’histoire mentionne une France fantasmée. « Jusqu’ici je rendais mes textes (pour Profilage, Mystère à la Tour Eiffel, etc. NdlR) mais je n’avais jamais été associé aux choix de réalisation. On avait tous tellement fait de polars qu’on voulait se mettre au défi… afin que le plaisir soit plus grand. Il a fallu discuter de tout : décors, voitures, costumes pour créer cet univers unique. »

Les deux réalisateurs ont rejoint le projet en décembre 2015. « On a discuté de la vision artistique de Julien et de Thierry sur le projet. Il y avait quatre cerveaux réunis autour de la table, donc c’est toujours la meilleure idée qui l’emportait. On n’a jamais interrompu le dialogue et on a surtout tenté d’intégrer les points de vue complémentaires de chacun afin de créer un lien entre tous les rouages », précise le scénariste Mathieu Missoffe.

Aventure collective, point de vue unique

Julien Despaux a réalisé la série Accusé. Très rodé au rythme sériel, il est connu pour parvenir à imposer des choix plus personnels. « On voulait qu’il y ait transmission d’expériences avec le 2e réalisateur, Thierry Poiraud qui est un cinéaste amateur de cinéma de genre. »

« C’est une aventure collective mais il faut qu’un point de vue s’impose », précise Julien Despaux. « La chaîne souhaitait une série bouclée – une enquête par épisode – avec des éléments feuilletonnants. C’est le deal. Au-delà dans l’inspiration et l’ambiance, il y a des influences de Top of the Lake pour le côté grands espaces et le côté étrange », ajoute le producteur.

Une touche très belge

Une quête et une enquête qui auraient décidé d’avoir recours à l’humour. « J’essaie d’écrire des choses sérieuses mais je n’y arrive pas, se justifie Mathieu Missoffe. Cela fait partie de mon écriture. Le personnage du procureur n’était pas aussi important et avait un humour plus anglais au départ, mais Thierry et Julien se sont jetés dessus et le rôle a pris de l’ampleur. La proposition de Laurent Capelutto a créé cette étincelle, tout comme celle de Renaud Rutten. Cela a influencé l’écriture. On voulait faire un pas de côté : mettre de la comédie – un comique de situation où on rit aux dépens des personnages, un peu absurdes et ridicules – dans une intrigue très noire. Cela permet de prendre de la distance par rapport au sérieux de l’enquête sur la disparition de cette jeune fille. On a parlé des frères Coen et puis, j’ai revu ‘Dikkenek’, des trucs plutôt fous comme cela… »

« La coproduction avec la Belgique grâce au temps de tournage est un élément sur lequel on s’est pas mal appuyé, on a regardé beaucoup de films flamands pour nourrir l’imaginaire qu’on partage sur le papier et ça a donné quelque chose de très organique. Les personnages se creusent au fil de l’intrigue. Il y a largement de quoi continuer au terme des 8 premiers épisodes », assure en guise de conclusion Mathieu Missoffe qui s’est déjà remis au travail.

Entretien: Karin Tshidimba, à Biarritz

nb: Pour rappel, le duo de compositeurs Thomas Couzinier et Frédéric Kooshmanian s’est vu décerner le Fipa d’or de la meilleure musique dans la catégorie séries la semaine dernière lors du Fipa 2017 (Festival international des programmes audiovisuels de Biarritz).