Même si la vie parallèle des séries se déroule de plus en plus sur la toile, tout bon sériephile se doit de disposer d’un certain nombre d’outils de référence pour étancher sa soif de connaissance.
Cela vous a peut-être échappé mais les célèbres Editions Taschen ont récemment publié une nouvelle bible illustrée des meilleures séries des 25 dernières années. Une brique iconographique bourrée de nostalgie où chaque série marquante est décrite avec soin et replacée dans son contexte « historique », par ordre chronologique d’apparition.
Twin Peaks y trône en couverture comme un objet rare et envié. Non pas en raison de son retour annoncé en 2016 mais parce que la série de David Lynch, à son arrivée en 1990, a imprimé un tournant radical (et quasi définitif) à la narration en séries. Avec Twin Peaks, il a enfin été établi que les téléspectateurs les plus fidèles n’étaient pas là seulement pour se divertir, mais bien pour tenter de résoudre un certain nombre d’énigmes et de décrypter le monde dans lequel ils sont plongés.
Un fait rivé au coeur de ce nouveau recueil encyclopédique des éditions Taschen.
« Les séries vivent des attentes de leurs spectateurs, expliquent ainsi Jürgen Müller et Steffen Haubner, en préambule. C’est la mise à l’épreuve ou non de ces attentes qui fait la différence entre les productions ordinaires et les séries exceptionnelles. L’attachement à des motifs narratifs reconnus et au jeu avec des valeurs de reconnaissance fut longtemps le garant du succès. Aujourd’hui des virtuoses de la télévision tels que (Vince) Gilligan sont parvenus à gagner un public qui n’exige rien de moins que de voir, d’un épisode à l’autre, d’une saison à l’autre, ses pressentiments et ses prédictions balayées par le tourbillon des événements. Si les téléspectateurs attendent une chose, c’est bien l’imprévisible. »
Le but a changé. Il ne s’agit plus de nous rassurer ou de nous divertir mais bien d’interroger notre façon d’être «au monde», d’observer notre comportement dans une société aux codes de plus en plus mouvants. C’est cette mouvance, cette adaptation constante au réel qui fait des séries le poste d’observation privilégié du monde qui nous entoure. « En rajoutant la durée et la transformation comme ingrédients de base, la série dépasse de ce fait l’expérience que peut offrir un livre ou un film.»
Un modèle narratif qui, de leur aveu même, influence de plus en plus d’écrivains et de cinéastes. Le film « Boyhood » de Richard Linklater, récemment Oscarisé, a d’ailleurs adapté ce principe de transformation commun à toutes les séries. En choisissant de filmer un groupe de personnes sur 12 années, il est devenu une sorte d’objet mi-filmique, mi-sériel.
Ce rapprochement entre petit et grand écrans n’est pas un phénomène neuf mais à chaque saison, il prend davantage d’ampleur. La nouvelle ne surprend guère lorsqu’on sait l’importance que revêtent les créations pour le petit écran dans l’univers hollywoodien avec un nombre croissant de réalisateurs, de scénaristes, d’auteurs et de producteurs jonglant entre les deux types d’écrans. Si certains ont voulu croire que l’âge d’or des séries s’était éteint avec la disparition des Soprano, de Lost ou The Wire, d’autres nouvelles pousses prouvent qu’ils se sont trompés. C’est à ce foisonnement des 25 dernières années que s’intéresse la nouvelle brique richement illustrée et documentée de l’éditeur Taschen.
Des Simpson à True Detective en passant par Friends, Sex and the City, Six Feet under, Rome et Breaking Bad – série en compagnie de laquelle il prend soin de poser les jalons fondamentaux du genre – trente auteurs balaient les années 1990 à 2015 de manière résolument subjective. Des choix qui rejoignent en de nombreux points les séries les plus prisées par le public américain (cf. top 1000 ci-dessous). Et s’il fallait n’émettre qu’une seule réserve face à cet imposant volume ? L’absence dans ce Panthéon de séries comme Urgences, Sherlock et The Killing, entre autres, qui ont toutes pourtant considérablement modifié la narration et l’univers des séries …
Les séries en tête du top 100
A ce sujet, le 20 septembre dernier, « The Hollywood Reporter » a demandé à 2 800 professionnels américains de lister leurs 100 programmes préférés de tous les temps, hors talk-shows et émissions d’actualité. C’est une comédie qui domine le classement : Friends, qui explora la vie de six jeunes New-Yorkais de 1994 à 2004.
Vient ensuite l’inimitable Breaking Bad : arrêtée en 2013 par la chaîne AMC au terme de cinq saisons, elle a explosé les canons de la narration en série.
Sur la troisième marche du podium figure The X-Files, autre grande série des années 90. Bonne nouvelle pour la Fox qui va relancer cette série phare grâce à une mini-saison en 6 épisodes. De nouvelles enquêtes menées aux « frontières du réel » par le duo emblématique David Duchovny et Gillian Anderson.
Série la plus piratée à travers le monde, Game of Thrones arrive au pied du podium. Viennent ensuite « Les Soprano », « Mad Men », « Les Simpson », « Sex and the City », « Lost », « 30 Rock » ou « Twin Peaks » qui figurent toutes dans le top 20 des programmes les plus marquants de l’histoire de la télévision américaine. Et la centième place est occupée par… la série Desperate Housewives.
KT
« L’Univers des séries TV », Taschen, 744 pp., env. 50€
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