Chaque année, le mois de mai rappelle aux amateurs que l’art de la série demeure hasardeux et que toutes les tentatives ne sont pas forcément couronnées de succès.
Certaines séries, malgré des scénaristes et des producteurs aguerris et des acteurs talentueux, ne trouvent pas la voie du succès et prennent donc la porte de sortie. Des décisions presque toujours annoncées en mai.
Cela a été le cas de David Simon, dont les brillantes créations The Wire et Treme ont été poliment poussées vers la sortie. Saluées par la critique mondiale, ces deux séries ont toujours réalisé davantage d’audiences en rediffusion ou suscité un engouement plutôt tardif, au moment de leur (ré)édition en DVD.
Proposée ce dimanche en marathon de 16h55 à 22h30 sur Be Séries, la saison 3 de The Newsroom*** ne fait pas exception à cette triste règle. Pourtant, Aaron Sorkin, son créateur, fait partie des grands auteurs-producteurs d’Hollywood. Sa précédente série politique The West Wing est citée comme un modèle du genre, incontesté. Mais sa nouvelle création The Newsroom a souffert, au départ, d’un sérieux désamour de la part du public américain.
Dès la 1e saison, diffusée en juin 2012, Sorkin a essuyé une importante salve de critiques. Jugée tour à tour trop bavarde, caricaturale et trop idéaliste, cette série a surtout été accusée de jouer les donneurs de leçons et les trouble-fête. Il est vrai que le tout premier épisode de The Newsroom ouvrait sur une charge au bazooka prononcée par Jeff Daniels à l’encontre de la supposée «grandeur de la nation américaine», pointant les nombreux dysfonctionnements sociaux (emploi, éducation, santé) du pays de l’Oncle Sam et la faillite du rêve américain. Horreur, stupéfaction et scandale.
Une critique jugée d’autant plus «inacceptable» qu’elle visait le 4e pouvoir (les médias) tout puissant dans une société aux prises avec la dictature du tout-info et du buzz.
Réduite à 9 épisodes en saison 2, la série a obtenu un ultime parcours en six chapitres. Histoire de laisser à Aaron Sorkin l’occasion de trouver comment dire adieu à ses personnages et à son public.
Cette saison finale propose à la fois de revenir sur le destin de chacun des employés de la chaîne ACN et de porter un dernier regard lucide sur l’état des médias aux Etats-Unis.
On ne peut que saluer une série qui n’a pas hésité à multiplier les sujets de reportages et les angles d’attaque sur une actualité souvent insaisissable. Passant sans faiblir de la guerre en Syrie et des faits d’armes des «boys» à l’étranger (le scandale Genoa) aux répercussions de certains reportages traumatisants sur le terrain, ou aux pressions et à l’omerta qui caractérisent les campagnes politiques domestiques américaines. Sans oublier la question controversée de l’utilisation des drones ou les fondements du mouvement Occupy Wall Street. Un menu alléchant pour tous les passionnés d’info ou de politique au sens large.
Dans cette 3e et ultime saison, il est notamment question de l’attentat survenu durant le marathon de Boston en 2013 mais aussi des mutations incessantes que subit le métier de journaliste.
L’éviction de The Newsroom des grilles d’HBO est d’autant plus dommageable que malgré quelques errements coupables, ses personnages s’étaient révélés aussi attachants que complexes. On regrettera donc l’opportunité de décryptage et de réflexions – sur notre civilisation de l’hyper-médiatisation et de la surinformation – qu’offrait cette série volubile mais attachante, bien documentée et prescriptive.
Karin Tshidimba
nb: Aux Etats-Unis, la saison 3 a été diffusée en novembre dernier et a pris fin le 14.12.2014
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