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vikings.jpgDepuis Rome, on sait que les séries historiques préfèrent tremper leur plume dans le réel afin de gagner en puissance et en crédibilité. Quitte à faire tout de même quelques détours par la fiction pure en imaginant des rencontres ou des personnages fantasmés qui servent leur propos général. Ces « petits arrangements » avec l’Histoire seront plus ou moins appréciés par les fans qui savent aussi que pour marquer durablement les imaginaires, les séries se doivent d’être de plus en plus percutantes, au sens propre comme au sens figuré.

Vengeances, trahisons, sexe, sueur et sang: la même recette s’applique au-delà de l’époque ou du continent. La preuve avec Vikings** qui démarre ce dimanche à 20h sur La deux. Où l’on perçoit aussi le tribut payé par le Britannique Michael Hirst à des séries comme Tudors (qu’il dirigea de 2007 à 2010) ou Borgia. Sans parler de l’empreinte sanglante de Game of Thrones

On a souvent comparé Vikings à Game of Thrones, pourtant les deux séries ont de nombreux points de divergence. Malgré la violence commune affichée, la complexité scénaristique est, ici, bien moindre…

Ces deux séries hors normes n’ont que peu en commun, note notre collègue Aurélie Moreau. Après The Tudors, Michael Hirst signe une nouvelle série historique certes froide, poisseuse, audacieuse, dépourvue de bons sentiments et esthétiquement bluffante. Grâce à un sens affûté de l’image et de la mise en scène, le réalisateur dévoile de véritables tableaux cinématographiques, d’une profondeur de champ rare, sur fond de décors et de paysages (irlandais) époustouflants. Immersion immédiate garantie  !

vikings 2.jpgÀ l’image de The Tudors, Vikings, au-delà du spectacle, manque toutefois d’enjeux, d’ampleur, d’envergure. Michael Hirst limite à nouveau son récit et son intrigue à l’histoire d’un clan, dominé par le personnage principal et charismatique, Ragnar Lothbrok* (Travis Fimmel).
Roi semi-légendaire de Suède et du Danemark, qui régna entre 750 et 850, Ragnar Lothbrok est plutôt évolué et terriblement moderne dans sa conception de la vie en communauté. Des yeux bleus électriques, perçants, un sourire Colgate… Il est plutôt beau garçon. Cruel, il peut toutefois se montrer attentionné et même conciliant. Il est rusé, en avance sur son temps, manipulateur, ambitieux. Bagarreur, Ragnar n’hésite pas à recourir à l’humour et à l’autodérision. Bref, c’est typiquement le héros qu’on adore détester bien qu’il ne corresponde pas tout à fait à l’image du pirate sanguinaire qui terrorisa une partie de l’Europe du Nord dès la fin du VIIIe siècle.

Déjà accusé de ne pas coller à la réalité historique dans The Tudors, Michael Hirst récidive. La série décrit, certes, des événements historiques plausibles mais elle en évoque aussi d’autres peu probables. Ainsi, Ragnar Lothbrok fréquente-t-il des souverains nés un siècle plus tard et noue-t-il des alliances avec des populations qu’il n’a pas connues.

Au-delà de ces réserves –  que certains jugeront secondaires par rapport à la qualité générale de la série –, Vikings révèle avec justesse les enjeux politiques de survie et les modes de vie de l’époque.
Outre le questionnement sur la conception même des sociétés, cette série produite dès 2013 par History Channel évoque un thème toujours d’actualité : le choc culturel (et religieux). En l’occurrence, celui vécu par les Anglais (alors récemment convertis au catholicisme) au contact des Vikings, païens pratiquant le sacrifice et la polygamie.

« Ma chance, c’est que ces temps-ci, les antihéros violents sont très populaires » a confié Michael Hirst à propos de son Ragnar, roi des Vikings. Vous voilà prévenus…

nb: Ragnar Lothbrok ou Lodbrok, les deux orthographes coexistent
nb2: Aux Etats-Unis , la saison 3 a débuté jeudi dernier (19/02)