jan matthys.jpgDe ce côté-ci du pays, le nom de Jan Matthys n’est pas très connu (euphémisme). Pourtant en Flandre, ce réalisateur discret a déjà de nombreuses réussites à son actif (Code 37, Quizz me quick) dont l’une, au moins, a atterri sur nos écrans francophones. C’était en 2008 et le Festival de Biarritz, déjà, avait salué la qualité de son travail en accordant trois prix à la série «De smaak van de Keyser», rebaptisé «L’empereur du goût» pour sa diffusion sur la RTBF.

Une collaboration fructueuse qu’on aurait aimé voir se reproduire autour de la série In Flanders fields** que la VRT diffuse en ce moment même le dimanche à 21h20. Une évocation pleine de grâce et de tourments du destin de la famille Boesman durant les quatre années de plomb de la Première guerre mondiale. Une réalisation qui a certainement guidé le choix du Festival de Biarritz d’attribuer à son réalisateur l’EuroFipa d’honneur 2014.
Une très belle série déjà remarquée à l’international, comme l’ont été avant elle, les séries Clan, Salamander ou Matrioshki…

Le sens de l’observation et le soin apporté aux détails lui viennent sûrement de ses débuts dans le documentaire avec « Zalm voor Corleone » ou « Joika ». Mais Jan Matthys avoue aussi une autre recette, dans un français imagé, rarement hésitant.
«Pour la première fois, on a vraiment eu assez de temps pour peaufiner le scénario. Habituellement la 3e version est celle du tournage mais ici nous avons pu retravailler jusqu’à la 6e version. Ce qui nous permis de peaufiner encore beaucoup de détails.»

flanders fields 1.jpgL’autre secret de fabrique? Une équipe solide avec laquelle il travaille depuis presque 20 ans. «Les trois scénaristes avec lesquels j’ai travaillé sont très complémentaires. L’un (Geert Vermeulen) est spécialiste des arcs narratifs et a pris en charge l’aspect historique du récit. L’autre (Carl Joos) adore développer les intrigues et le dernier (Charles De Weerdt) est parfait quand il s’agit d’écrire les dialogues. C’est un vrai plaisir de travailler avec eux parce que tout le monde échange ses textes sans difficultés, sans ego. Ne pas perdre d’énergie en discussions inutiles, c’est la clé. Pour moi, le processus influence le résultat, c’est notre force.»

«En même temps je suis conscient que toujours travailler avec les mêmes entraîne le risque de s’enfermer dans la routine, mais mon chef opérateur et moi nous sommes tous les deux très attentifs à cela et, de toute façon, à chaque nouveau projet, beaucoup de jeunes stagiaires ou de nouveaux comédiens entrent dans l’aventure. J’aime les rencontrer avant le tournage pour avoir le temps d’apprendre à se connaître et d’établir une vraie relation. Tout cela facilite ensuite le travail de troupe et permet de préserver la bonne énergie..»

La chaîne Een avait fait une superbe promo avant le début de la diffusion. «Oui, mais je dois dire que cela nous a aussi mis la pression toutes ces annonces concernant une «série prestigieuse» sur la Première guerre mondiale.» Le résultat, en tout cas, était à la hauteur des attentes: 56% de parts de marché pour le 1er épisode diffusé le 12 janvier.

flanders fields.jpgSéduits par une très belle photographie et des acteurs pleins de fougue et de talent, les téléspectateurs ont été emportés par les prémices de cette histoire en dix épisodes. «On suit chaque membre de la famille Boesman car la guerre va tous les transformer profondément.» Tant les deux garçons partis au front que leur jeune soeur Marie (photo) restée avec ses parents à l’arrière.
«Nous avons fait le choix d’une famille bourgeoise car ces décors (maisons, universités) sont préservés dans une ville comme Gand, contrairement à ceux de de la classe populaire. »

«Ce film m’a beaucoup changé et m’a beaucoup appris sur moi-même . C’est le travail le plus abouti que j’ai réalisé jusqu’ici. On a vraiment vécu beaucoup d’émotions et à partir du 6e épisode, cela devenait même difficile de rester professionnels au montage.»
La série éclaire aussi, de façon nettement moins caricaturale, les relations entre Belges flamands et francophones durant le conflit.

Son prochain projet: l’adaptation au cinéma du roman «Veel hemels boven de 7de» de Griet Op de Beek, journaliste au «Morgen» qui a déjà enregistré 35 000 ventes. «Griet a aussi déjà travaillé au théâtre ce qui va faciliter notre travail d’écriture commun.»
Ecriture commune, esprit de troupe, soin apporté au scénario et promotion parfaitement orchestrée: voilà les ingrédients de la réussite flamande en télévision. Une check-list que les coauteurs de l’appel à projets pour les séries belges en Fédération Wallonie-Bruxelles devraient garder à portée de main. Car il n’y a pas de raison que le savoir-faire francophone se «limite» au cinéma, au documentaire ou à l’animation… Ou que le public francophone doive attendre, en moyenne, deux ans pour pouvoir découvrir quelques épisodes d’une série 100% made in Belgium.
KT

nb: Quoi qu’il arrive, la série In Flanders Fields (In Vlaamse velden) devrait être éditée en DVD en juillet avec sous-titres en français. Pour plus d’infos, suivre ce lien