Sir Tom Stoppard signe le scénario de Parade’s End**, mini-série à suivre ce soir sur Arte à 20h50.
Au casting, on y retrouve l’excellent Benedict Cumberbatch (Sherlock) et la non moins talentueuse Rebecca Hall (« Vicky Cristina Barcelona »).
Invité du récent Festival Séries mania à Paris, où la mini-série a été projetée, il s’est entretenu avec quelques journalistes, en marge de l’intéressante master class consacrée à son travail au cinéma, au théâtre et en télévision.
Si sa crinière blanche, son audition faiblissante et ses joues parcheminées trahissent son âge (76 ans), une fois lancé sur le sujet de son adaptation de “Parade’s End”, joyau de la littérature anglaise, Tom Stoppard s’anime comme un jeune homme. Et devient intarissable.
Scénariste admiré pour ses pièces de théâtre, homme de lettres oscarisé pour sa contribution au film “Shakespeare in love”, il s’amuse même au souvenir de la bataille menée avec l’œuvre de Ford Madox Ford, réputée intransposable.
« En fait, je ne connaissais pas les romans avant qu’Arte ne me demande de les adapter. La saga repose sur quatre livres, dont le dernier est arrivé bien après les autres, et qui est parfois oublié.
Cette mini-série représente 3 ou 4 années de ma vie. La gestation a été assez lente: 15 mois pour écrire, plus le temps de trouver le budget – sans l’entrée en scène de HBO nous n’aurions d’ailleurs jamais pu le boucler… Il faut ensuite ajouter le temps de trouver les acteurs et celui d’accorder leurs agendas et, enfin, le tournage. Dieu merci, Susanna White (la réalisatrice, NdlR) a patienté durant tout ce temps là ! »
« Et puis, contrairement à mon habitude, j’ai passé beaucoup de temps sur le lieu de tournage. J’avais beaucoup trop investi émotionnellement pour laisser tomber les détails et les zones d’ombre. »
Le plus difficile avec l’oeuvre de Ford Madox?
« Le fait qu’elle n’est pas du tout linéaire. Il a donc fallu relier les événements entre eux pour que ce soit clair pour tout le monde. J’ai aussi dû combler certains blancs et imaginer des événements dramatiques qui éclairent la psychologie des personnages. En fait, j’aime beaucoup adapter l’oeuvre d’autrui, c’est comme une récréation, des vacances. L’invention pure est plus difficile à gérer pour moi. Et puis, je suis très lent. Plutôt que d’inventer, je me suis beaucoup inspiré de l’Histoire de la Première Guerre et de quelques anecdotes connues, notamment sur l’action des suffragettes. C’est comme cela qu’est née la scène de la lacération au musée. »
Des acteurs de premier choix
Selon le dramaturge, « ce sont les ambiguïtés des deux personnages principaux qui expliquent le succès du livre. L’acteur Benedict Cumberbatch était définitivement mon premier choix car je savais qu’il comprendrait le personnage. Tietjens a ce côté «old school» doublé d’un sens de l’honneur tout à fait pathétique aux effets collatéraux considérables… »
Il y a 50 ans, une première version de « Parade’s End » proposée par la BBC « faisait de Sylvia une folle, une horrible mégère, une «véritable bitch» (en franglais dans le texte !) mais Rebecca et Benedict ont exclu cette version du livre de Ford Madox, comme moi. Ce que j’aime chez Sylvia, c’est la façon caustique dont elle se juge et se regarde. J’ai beaucoup de sympathie et même de l’admiration pour elle. Rebecca Hall est arrivée jusqu’à nous assez tard pendant les essais mais, grâce à Dieu, juste à temps pour lui donner la parfaite incarnation! »
Quant à comparer le travail d’écriture pour le théâtre, le cinéma et la télévision, la question le laisse d’abord songeur.
« Vous disposez de davantage de temps pour jouer avec l’histoire et les personnages lorsque vous travaillez pour la télévision. En fait, j’ai un tempérament très conservateur donc me maintenir dans le cadre est ma façon de travailler. Dans cette expérience pour la télévision, je pouvais dire où j’allais et comment j’y étais arrivé. »
A ses yeux, l’écriture pour le théâtre est totalement différente. « Vous ne savez pas où et comment tout cela va finir, c’est nettement plus mystérieux. Je n’ai pas beaucoup d’expérience de la télévision, Parade’s end m’y a ramené après bien des années passées au théâtre. C’est vrai que par rapport au théâtre, les attentes de la télévision sont beaucoup plus grandes en matière d’audience. »
Le formidable attrait de la télévision
Tom Stoppard a aussi tâté de la réalisation pour “Rosencrantz & Guildenstern are dead”, couronné Lion d’Or au Festival de Venise en 1990. «Avant de réaliser votre premier film, vous pensez que vous pourriez être un nouvel Orson Welles, vous devez essayer, pour savoir ce que vous valez. Aujourd’hui, je n’en ai pas suffisamment envie pour retenter l’aventure.» (Sourire et air entendu)
Journaliste à ses débuts, il souligne: «Aujourd’hui quelques-uns des meilleurs scénaristes travaillent pour la télévision. Lorsque vous voyez le travail de Farhad Safinia sur la série «Boss» aux côtés de Gus van Sant et de Kelsey Grammer, c’est extraordinaire. Et Paul Abbot, qui fait un excellent boulot, vient de l’école ‘Coronation street' » (une série à la longévité historique en Grande-Bretagne, NdlR)
« Il est important de se consacrer à des choses qui en valent vraiment la peine. Aujourd’hui, la télévision vous offre l’opportunité de transcender le genre. »
KT, à Paris
nb: la présentation et le trailer de la mini-série se trouvent ici.
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