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La réaction des chaînes américaines face aux attentats de Boston, ou à la tuerie de Newton, peut prêter à commentaires (cf. note précédente). Mais le repli, face à la douleur ou à l’émotion, n’est souvent qu’une première part, infime, de la réaction d’Hollywood. Car la question du terrorisme et/ ou de sa menace supposée a trouvé depuis longtemps une réponse réfléchie et intéressante dans la fiction télévisée.

On peut même souligner qu’étant donné ses délais de production plus brefs, la fiction télévisée a été bien plus prompte que le cinéma à s’emparer du traumatisme post-2001. Pour prendre un exemple symbolique, d’ampleur et récent où la fiction a joué un rôle de catharsis nécessaire et éclairante, aux visages contrastés. Revue de détail, de 24h chrono à La petite mosquée dans la prairie, en passant par Rescue me (photo FX)…

Est-ce une nouvelle illustration de la réactivité de la télévision face à un grand écran forcément plus lent et pesant? Les premières évocations fictionnelles du 11 septembre sont le fait de la petite lucarne, prompte à tenter d’analyser, digérer et interroger les faits, même les plus sombres.
Et on ne parle même pas de « 
The lone gunmen » (2001) qui, dans un élan quasi prophétique, évoquait, six mois avant les événements du 11 septembre, le scénario d’un complot visant à faire percuter les tours du World trade center.

the_west_wing.jpgNon, la toute première série à faire le grand saut et à oser évoquer l’énorme traumatisme vécu par le peuple américain est l’excellente série d’Aaron Sorkin « A la maison blanche » (The west wing, photo), leçon de politique et de diplomatie pour les nuls. Le 3 octobre 2001, moins d’un mois après les attentats, elle témoigne lors d’un épisode spécial, baptisé «Isaac et Ishmael», du mélange d’incompréhension et de sidération qui caractérise le staff présidentiel.
Habituée à évoluer sur le fil et à offrir le point de vue nuancé de Josiah Bartlet (Martin Sheen), président démocrate, progressiste et ouvert, l’épisode, une fois de plus, frappe par son caractère nuancé et sa justesse de ton. Pratiquement au même moment, l’Amérique de Georges W. Bush sort de sa «torpeur» pour brandir un discours nettement plus belliciste et revanchard.

Qui dit lutte anti-terroriste, pense obligatoirement à « 24h chrono » (novembre 2001). Pourtant la conception de cette série est forcément antérieure aux attentats d’al Qaïda, même s’ils lui ont offert une formidable caisse de résonance. Jack Bauer incarne alors aux yeux de tous le profil du héros américain sans peur, mais pas sans reproche. Tel un miroir déformé et inquiétant de la politique musclée de W. Bush.
Soyons de bon compte: aucune série (policière) américaine contemporaine ne fait l’économie de la référence au 11 septembre (« FBI, portés disparus », « NCIS », « Esprits criminels », « Les Experts », « Brothers & sisters », etc.) mais certaines lui offrent un écho nettement plus ciblé ou fouillé.

Celles qui attaquent le mal à la racine

  • « Rescue me » et « Third Watch » (New York 911) s’intéressent au vécu post-traumatique des pompiers (Rescue me) et ambulanciers qui furent parmi les premiers sur les lieux du drame et les plus nombreux à en être victimes. « New York 911 », créée avant les attentats, intègre dès sa troisième saison les attentats dans une trame dramatique totalement influencée par ceux-ci. Quant à « Rescue me » (2004), elle dépeint le quotidien de Tommy Gavin et ses collègues pompiers durement touchés, comme tant d’autres à New York, par les conséquences du 11 septembre. La série a tiré sa révérence en septembre 2011.

  • Qui dit mesures antiterroristes, dit nouvelles règles de sécurité aux frontières, contrôlées par les « intelligence services » du monde entier. Enquêtes, arrestations et méprises sont au coeur de l’intrigue de la canadienne « The border » et la britannique « MI-5″.

  • sleeper cell.jpgNettement plus complexe et nuancée, « Sleeper cell » (2005) prend leur suite en proposant le regard original d’un agent du FBI, musulman et noir, infiltré au sein d’une cellule terroriste dormante prête à attaquer Los Angeles. Intriguant afin de déjouer leurs plans meurtriers, l’agent Darwyn s’évertue aussi à rappeler à sa hiérarchie qu’il n’y a pas lieu de faire l’amalgame entre musulmans et terroristes (photo).

  • Plongeant une fois encore au coeur de l’actualité, on se souvient de « Warriors » (1999) avec Damian Lewis, déjà, et de son brillant éclairage sur la guerre en ex-Yougoslavie. Peter Kosminsky s’y attache à deux destins «afin de comprendre le chemin de l’extrémisme». Dans la mini-série « Les graines de la colère » (Britz) (2008), il retrace les parcours diamétralement opposés de Sohail et Nasima, un frère et une soeur, Londoniens d’origine pakistanaise ébranlés par les attentats de Londres en juillet 2005. Constatant tous deux que la suspicion grandit vis-à-vis des Britanniques d’origine étrangère, Sohail et Nasima ne vivent pas du tout cette situation de la même façon.

  • Enfin, « House of Saddam » (2008) explore en 4 épisodes l’histoire familiale et publique du célèbre dictateur, s’attachant à ses ennemis autant qu’à ses fidèles lieutenants. Nul doute que sans le 11 septembre, cette série n’aurait pas bénéficié des mêmes échos.

 

Celles qui s’attachent à l’onde de choc provoquée ou à la théorie du complot

flash-forward.jpgViennent ensuite toutes les séries qui ne font pas forcément une référence explicite au 11 septembre, mais lui offrent un écho controversé ou non, métaphorique ou explicite. Point commun entre ces séries: des ruptures temporelles et/ou des catastrophes naturelles (ou pas) qui entraînent un bouleversement radical de l’ordre mondial. On songe bien sûr à « FlashForward » (2009) qui, en mettant en scène un «black out» mondial de 2 minutes 17 secondes, entraînant des paniques multiples dans le monde entier, a offert un écho particulier aux attentats américains.

Plus prosaïque et localisée, « Jericho » (2006) se penche sur une petite communauté villageoise qui tente de s’organiser alors que les échos d’explosions intervenues en divers points du pays font craindre le pire. Une métaphore de la survie en milieu hostile également sublimée par une série comme « Lost » (2004) passée maîtresse dans l’art des fausses pistes et des scénarios enivrants. Une fin du monde qui est aussi au coeur de « The walking Dead » (2010) adaptation de la BD zombie éponyme.

Enfin, deux séries n’hésitent pas à remettre en selle l’Amérique de l’avant 11 septembre. La première, par la force des choses, puisque l’intrigue de « Life on Mars » (2008) se déroule en 1973, bien avant les attentats, et replace donc les deux tours dans le paysage de la ville. La seconde, « Fringe » (2008) le fait de façon symbolique et explicite puisque la série met en scène deux mondes parallèles en apparence semblables. Dans l’un des deux, pourtant, les attentats de 2001 n’ont pas détruit le WTC…

 

Celles qui s’intéressent à la contre-attaque (américaine) et à ses conséquences sur le terrain

generation kill.jpgUne fois les «boys» envoyés en territoire ennemi, histoire de faire cesser la barbarie, il importait de relater leur vécu sur place – option retenue par la série « Over there » (2005) – ou de donner des échos de leurs missions et du ressenti de leurs familles, ce à quoi s’emploie « The Unit » (2006).
Le parti-pris de « 
Generation Kill », est encore plus poussé. Sorte de série «embarquée», elle développe un propos à la limite du documentaire. Signée David Simon, cette série (2008) très réaliste retrace les 40 premiers jours d’une unité de reconnaissance des Marines lors de la deuxième guerre en Irak.

Enfin, l’excellente « Occupation » proposée sur Arte évolue sur leurs traces. Couronnée de trois Fipa d’or en 2009 et du prix Bafta 2010 de la meilleure mini-série (3 épisodes), cette fiction événement signée Peter Bowker retrace le parcours de trois soldats anglais pendant et après l’invasion de Bassorah en avril 2003. Trois frères d’armes confrontés à un nouvel Irak où montent le fondamentalisme, la corruption et la violence, qui vont eux-même s’opposer dans leur positionnement sur le terrain.

 

 Celles qui tentent, par l’humour, de déstigmatiser la communauté musulmane

En raison du fondamentalisme religieux et du cortège de violences qu’il peut engendrer, la communauté musulmane s’est régulièrement trouvée stigmatisée dans les productions audiovisuelles post-2001. Une situation à laquelle certains ont réagi avec l’humour de rigueur dans ce type de situation.
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a preuve avec « La petite mosquée dans la prairie » qui se penche sur le vécu de la petite communauté musulmane de Mercy (Canada). Entre clichés et préjugés, les discussions s’échauffent au sein de la population qui finit par réaliser que tous doivent affronter les mêmes problèmes. Même type d’illustration avec « Family Mix » (2008) qui explore la délicate cohabitation au sein d’une famille recomposée entre une jeune turque pratiquante et ses « demi-frère et sœur » athées.
La plupart de ces séries, tous genres confondus, ont permis de torpiller bien des idées reçues.
KT

Liste établie le 10 septembre 2011, à l’occasion des 10 ans de l’attentat du WTC.