the-hour.jpgAlcool, cigarettes et jolies filles. Proposant une plongée dans le Londres de 1956, cette série de la BBC fait forcément songer à Mad Men, la comparaison est presque inévitable, mais simpliste…
Passés le look et le decorum, les ressemblances s’estompent en effet rapidement. Séries en prise avec une époque et ses moeurs, «Mad Men» brosse le parcours d’un homme (Don Draper) en mal de repères là où The Hour*** opte pour le thriller et s’intéresse directement aux remous qui secouent la société anglaise.

La création du premier magazine britannique d’investigation télévisée, baptisé « The hour» – en référence aux «60 minutes d’information hebdomadaire qu’il ne faut pas manquer» -, coïncide avec le déclenchement de l’affaire du Canal de Suez (1956). Celle-là même qui a bien «failli déclencher la troisième guerre mondiale». Et c’est cette collision d’événements qui donnent tout son sel à la série… Ajoutez à cela, l’assassinat mystérieux d’un universitaire dans le métro et un triangle amoureux et vous obtenez une fiction bien plus intrigante qu’introspective.
Si on retrouve dans ces deux séries, un certain éloge de la lenteur, des jeux de pouvoir et de séduction, les mélanges de narrations en font deux objets d’étude très différents et finalement assez complémentaires.

Moins contemplative, The Hour brasse des genres narratifs très différents: enquête, suspense, romance et tranche d’Histoire à double portée: nationale (développement d’un canal d’info indépendant au Royaume-Uni) et internationale (avec ce conflit d’intérêts qui crispa les relations entre Egypte, France et Grande-Bretagne).

La jeune Bel Rowley (Romola Garai), productrice qui tente de se frayer un chemin dans un milieu très machiste, est bien plus en position de pouvoir que ne l’ont jamais été Peggy, Betty ou même Joan, la rousse incendiaire de Sterling Cooper. Quant à Hector Madden, le journaliste vedette campé par Dominic West – bien loin de son inoubliable rôle de Jimmy Mc Nulty dans The Wire -, il n’a que peu de points communs avec Don Draper (cf. note précédente).
«Ce personnage ressemble beaucoup à mon père tel que je m’en souviens lorsque j’étais enfant. La série a été présentée comme le Mad Men anglais, même si ce n’était pas le but. L’action se déroule dans le Londres des années 50 qui sort du rationnement de l’après-guerre. Et Hector Madden est beaucoup moins brillant, comme personnage, que Don Draper. Hector est un peu fou et naïf, leur seul point commun est qu’ils sont tous les deux des hommes à femmes.»

Dans ces coulisses du premier magazine télévisé indépendant, à l’heure où la censure n’était pas un leurre, le personnage le plus intéressant est ailleurs: l’intrigant et incontrôlable Freddie Lyon (formidable Ben Whishaw, cf. photo). Chercheur obsessionnel en quête de vérité, il professe envers et contre tous son rôle d’indéfectible contre-pouvoir. Un personnage d’original et d’idéaliste, passionnant à suivre, même si le parfum de complot au milieu duquel il se débat pourra sembler (trop?) familier à certains sériephiles.
Dénonçant les faux-semblants à l’oeuvre au sein du monde politique et aussi du média qui l’emploie, Freddie Lyon fait intelligemment le lien entre la grande (Suez) et la petite Histoire (le meurtre maquillé du professeur Peter Darrall).

Tout n’est pas parfait dans «The Hour» qui n’a visiblement pas été dotée des mêmes moyens que son aînée américaine, mais le contexte historique et les questions soulevées offrent une touche d’originalité bienvenue dans ce type de série. Avec The newsroom lancée aux Etats-Unis cet été, voilà aussi deux récits qui, par un jeu intéressant de mise en abyme, interrogent le rôle de la presse et de l’information en télévision. Et si les époques (les années 50 ou 2010) et les nations (le Royaume-Uni contre les Etats-Unis) diffèrent, un certain nombre de constats, eux, demeurent…

Dotée d’une saison 2 (6 épisodes, également) encore meilleure que la première, «The Hour» est donc, à l’instar de Mad Men, une série qui mérite qu’on lui accorde un peu de temps.
D’ailleurs, une pétition est en ligne pour demander à la BBC de revenir sur sa décision, prise il y a moins d’un mois, de ne pas commander de saison 3…
Pour jeter un oeil sur le site officiel de la série, c’est par ici.

KT

nb: laissez tomber la VF triste à pleurer. Arte diffuse la 1e saison (6 épisodes), ce jeudi et les deux suivants à 20h50.