revenants.jpgAprès un ultime épisode, proposé lundi soir sur Be TV, Les revenants*** sont repartis, mais le halo de leur présence ne s’est pas encore complètement dissipé.
C’est un peu comme la persistance rétinienne, cette image qui s’imprime au fond de vos yeux et que vous retrouvez même quand tout est noir, même quand vous pensez dormir, même bien plus tard.
Avec cette série inspirée d’un film de 2004 – celui, parfaitement homonyme, de Robin Campillo –, Canal+ a frappé un grand coup. Pas seulement sur le plan des audiences, excellentes pour une série française (1,4 million de fidèles en moyenne) et même pour une série tout court. Elle a surtout imposé une image forte : celle de l’ambition et de la qualité de sa production originale.
On savait déjà Arte et Canal, principales pourvoyeuses des séries innovantes dans l’Hexagone. On sait désormais que la chaîne française entend imposer ses standards sur la scène internationale.

Car même si son intrigue a fini par rejoindre des rivages connus du genre fantastique, en fin de cycle, la balade proposée au fil des huit épisodes valait le détour.

Ne gâchez pas votre plaisir si vous n’êtes pas encore arrivé là.

Le mérite en revient à un scénario intrigant, pesé, millimétré, procédant par petites touches et semblant tirer le meilleur parti de son suspense intérieur, comme si chaque personnage, confronté à la mort, tenait en équilibre sur un fil.
Ce savant dosage de scènes, défiant le bon sens ou simplement étranges, est le fruit de la collaboration du créateur Fabrice Gobert avec Emmanuel Carrère et Frédéric Mermoud. On y sent la peur et l’angoisse monter par strates jusqu’à un épilogue amené façon western.

Comme annoncé dans ses prémices, “Les Revenants” – en racontant le retour à la vie de quelques disparus –, parient plus sur l’étrangeté, les relations et les croyances personnelles que sur l’horreur au sens strict.
La première réussite de cette série est son ambiance sonore et visuelle, qui s’installe dès le générique. La musique de Mogwai et la brume – que transpercent des taches de vert, de bleu et de gris – y créent un univers qui enveloppe le téléspectateur jusqu’à la dernière image. Une double signature qui est aussi le signe du changement en cours dans la création française.
On l’avait déjà constaté sur d’autres productions Canal – ou avec une série comme “Signature”, justement, sur France 2 – mais, cette fois, c’est sûr, un nouveau standard de qualité est en passe de s’imposer.

 
L’originalité de la série vient du fait que l’horreur ne sourd pas d’images repoussantes, mais bien de plans à la beauté glaçante et parfois figée, sorte de natures mortes dans tous les sens du terme. Côté références, on a évoqué les “4400”, bien plus que “The Walking Dead”. Mais avec les barrières et les caméras disséminées dans la ville, il y a aussi un côté village du “Prisonnier” et société hyper sécurisée, qui sont rarement les plus agréables à vivre…
Et, bien sûr, le premier clin d’œil, pour l’étrangeté et l’isolement, est celui fait à “Twin Peaks” – en moins drôle et moins “freaks” –, une influence dont Fabrice Gobert ne se cache pas.

Pourtant, c’est bien dans le passé français que “Les Revenants” ont été chercher leur ancrage réaliste : dans les incidents qui ont émaillé l’installation de certains barrages à la fin des années 50, entraînant pétitions et  expulsions mais aussi des morts accidentelles, comme à Fréjus.
Le huitième et dernier épisode, au suspense un peu tiré en longueur, y a fait une référence claire, lundi soir, avant d’installer cette ambiance de Fort Chabrol assez réussie.
Avec le lever du jour sur l’ancien village sorti des flots, on a vite compris que Les Revenants n’ont pas dit leur dernier mot. La saison 2 est déjà en cours d’écriture. On espère qu’elle gardera l’originalité du ton en point de mire.

Karin Tshidimba

nb: la série a déjà été vendue en Israël et à la chaîne suédoise SVT, qui a diffusé la série Real Humans. Et des discussions sont également en cours avec les Britanniques. Un autre projet, baptisé « The returned », semble surfer sur la vague aux Etats-Unis. Développé par la société de Brad Pitt, pour le compte de la chaîne ABC, il serait inspiré du livre homonyme, premier roman du jeune Jason Mot. Affaire à suivre.

mise à jour (30/09): Attendus le 31/10 à 21h sur Sundance Channel USA, Les revenants vont connaître une double vie aux Etats-Unis. Les droits d’adaptation de la série viennent d’être acquis par la chaîne A&E qui voudrait confier le travail d’adaptation à Carlton Cuse, père de Bates Motel et ex-scénariste de « Lost ».