En février dernier, France 2 marquait les esprits en entrant de plain-pied dans l’arène politique avec sa mini-série Les hommes de l’ombre signée par Dan Franck et Régis Lefebvre. Une proposition prouvant que la fiction française évoluait enfin dans le bon sens.
On y voyait le président français décéder brutalement, victime d’un attentat. Face à l’urgence, voilà les futurs candidats obligés de sortir du bois : Philippe Magnan, alias Deleuvre, Premier ministre bien arrimé, entame les manœuvres tandis qu’Anne Visage (Nathalie Baye) accepte à reculons le rôle d’ »outsider ». Simon Kapita (Bruno Wolkowitch), ex-responsable de la communication présidentielle, décide de la coacher.
Après « L’Etat de grâce », qui n’en fut pas un, France 2 revient dans l’arène de la fiction politique. Les hommes de l’ombre**, scénarisés par Dan Franck (scénariste de gauche) et Régis Lefebvre (ex-conseiller de droite), ne manquent ni de rythme, ni de complexité, ni d’ambition et le côté thriller politique fonctionne bien. Malheureusement après les épisodes 2 et 3, les choses se gâtent un peu et la série délaisse le réalisme politique pour le secret des alcôves, comme si la vie privée et les sentiments de ces hommes et femmes de l’ombre prenaient forcément le pas sur l’action publique.
Avec 4,8 millions de fidèles en moyenne, soit 17,6 % de parts de marché sur les six épisodes, la série a toutefois bien terminé son contrat. Une performance qui a d’ailleurs convaincu France 2 de mettre en chantier une deuxième saison (cf. note précédente). L’occasion de passer en revue les forces et faiblesses de cette fiction.
Le fait que la France avance enfin sur le terrain de l’exercice de l’Etat, où tant d’autres nations se sont illustrées avant elle (Etats-Unis, Grande-Bretagne) est une excellente nouvelle même si, en l’occurrence, on aurait aimé que la série plonge encore davantage ses mains dans le cambouis.
En choisissant de s’intéresser aux conseillers en communication, les fameux « hommes de l’ombre », elle révèle quelques travers mais délaisse volontairement le premier plan, celui où se font les lois, où se gèrent les crises politiques.
Pas de panique, nous dit-on. Ce sera au programme de la saison 2 qui s’intéressera non plus à la conquête mais à l’exercice du pouvoir. Parfait. Mais ôtez-moi d’un doute ? Elle consacrera moins de temps aux peines de cœur des « spin doctors », et la candidate du centre-droit aura, enfin, une vraie carrure politique, pas uniquement celle façonnée par son conseiller, en six semaines de campagne ?
En choisissant le biais des communicants, les scénaristes Dan Franck et Régis Lefebvre ont volontairement écarté la carte du réalisme politique pour façonner un objet passionnel et hybride qui a la politique pour toile de fond. Rien à voir avec le côté analytique et captivant de séries vraiment politiques comme la Danoise Borgen (dont la saison 2 est attendue le 22 novembre sur Arte) ou l’Américaine « A la Maison Blanche » (« The West Wing » en VO).
Au-delà de la thématique sous-exploitée, il y a aussi un problème de personnages. « Les Hommes de l’ombre » évoquent une « campagne dégoûtante » mais tous les candidats s’en sortent sans une égratignure. Bref, ça manque d’ombre et d’épaisseur dans ce parcours placé presque exclusivement sous le signe de la lumière. Peu d’hésitations et aucune remise en question.
La candidate « parachutée », Anne Visage (alias Nathalie Baye) est rapidement rattrapée par le virus politique, sans états d’âme. Et les deux personnages principaux (Simon Kapita alias Mr Propre et Anne Visage alias Mme La Vertu) développent un côté « censeur » que les premiers épisodes, moins manichéens, ne laissaient guère présager.
La force de « Borgen » et de « West Wing », ce sont les doutes et les failles de leurs personnages centraux. Un président et une Premier ministre oui, mais surtout un homme et une femme de bonne volonté découvrant une réalité bien plus complexe et amère qu’ils ne le pensaient.
Une trajectoire qu’on aimerait voir aborder par la saison 2 des « Hommes de l’ombre ».
KT
mise à jour (09.09.2013): Carole Bouquet sera à l’affiche de la saison 2 de la série. Non pas dans le rôle de la présidente de la République – délaissé par Nathalie Baye – mais bien en tant que Première Dame. Aure Atika y incarnera la secrétaire générale de l’Elysée. Ces deux nouvelles recrues devraient permettre de bien relancer la série créée par Dan Franck.
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