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A quoi reconnaît-on un grand créateur? A l’esthétique et à l’esprit qu’il réussit à insuffler à ses créations dès les premières secondes. Si tel est le cas, alors Bryan Fuller est définitivement un grand créateur, même si ses « créatures » n’auront jamais l’aura et la reconnaissance internationale de séries nettement plus basiques déclinant à l’infini leurs épisodes parfaitement formatés.
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La surprise et l’inattendu sont la clé d’entrée dans cet univers hanté par des modèles tels “Six feet under”, “Twin Peaks”, “The Wire”, “Mad Men”, “The killing”, etc. Car, heureusement pour les sériephiles, les exemples ne manquent pas, le tout est bien sûr de les dénicher.

Qui dit grand créateur, dit aussi, souvent, thématique particulière, c’est le cas de David Simon, grand spécialiste de l’approche sociologique. Bryan Fuller, lui, se singularise par son approche de… la mort et des phénomènes limitrophes.
« Coma », « Awake », « The walking dead »: elles sont légion les séries qui abordent cette question temporelle, en plus des traditionnelles enquêtes policières façon « Experts », « Castle » ou « Mentalist ».
Mais si la mort bénéficie souvent d’un traitement assez abrupt ou violent sur le petit écran, rares sont les créateurs qui, à l’instar de Bryan Fuller, lui accordent une attention toute particulière. Une sorte de fascination qui, chez Fuller, n’est pas dénuée de tendresse ou de mystère. En cette période de Toussaint, pourquoi ne pas aller faire un petit tour dans son jardin?

Une série comme « Six feet under » a permis de dépasser le double cap du dégoût et du tabou, mais à sa manière, Bryan Fuller a réussi à faire de cette étape, un passage plein de finesse et de subtilité: une envolée lyrique et parfois même féérique. Sans oublier l’humour, parfois noir souvent caustique qu’il affectionne. Et puis, ce qu’il y a de remarquable dans le parcours de cet homme né en juillet 1969, c’est que cette question fondamentale revient hanter son oeuvre à intervalles réguliers comme un gimmick ou un monstre du Loch Ness.

Fan de Star Trek, Bryan Fuller a contribué à écrire « Deep space nine », puis « Voyager », mais très vite, il se tourne vers un univers très personnel à mi-chemin entre conte et fantastique. 
Sa première incursion remonte à 2003: « Dead like me » est lancée par la chaîne Showtime. Une curieuse histoire d’une adolescente coincée entre la vie et la mort, désignée « à l’insu de son plein gré » pour devenir une faucheuse d’âmes et recueillir les esprits en perdition. Elle durera deux saisons et donnera vie à un long métrage pour le cinéma (cf. note suivante).

La deuxième plongée date de 2004. « Wonderfalls » retrace l’histoire de Jay Tyler, une jeune femme désabusée, qui voit sa vie transformée lorsque les figurines de la boutique de souvenirs dans laquelle elle travaille, se mettent à lui parler. Et lui donnent alors des indices pour répandre le bien autour d’elle. Face aux mauvaises audiences, la Fox décidera de l’annuler au terme de 4 épisodes. Mais aujourd’hui encore, son souvenir est soigneusement entretenu par ses fans.

La troisième, la plus rose bonbon, baptisée « Pushing Daisies », jouera de malchance sur ABC puisqu’elle sera lancée en 2008 peu avant la grande grève des scénaristes. De retour après de très longs mois d’interruption, elle ne parviendra jamais, avec un nombre restreint d’épisodes en réserve, à reconquérir le public de ses débuts. Mais elle reste gravée dans la mémoire des sériephiles comme un bijou de drôlerie et de poésie fantastique (cf. note suivante). 

Evidemment qui dit traitement original, dit aussi souvent public marginal et, dès lors, risque important d’annulation. Cette équation résume parfaitement le parcours de Bryan Fuller qui a vu pas moins de trois projets prématurément annulés ou sacrifiés. Décompte auquel il faut encore ajouter « Mockingbird Lane » récemment évoquée et dont le sort n’est pas encore tranché. Mais tout  ceci n’a pas réussi à altérer le noyau dur de ses fans. Aujourd’hui, alors qu’il s’apprête à aborder la mort de manière beaucoup plus violente et frontale, avec la nouvelle série « Hannibal » développée pour NBC, nombre de ses admirateurs se demandent fébrilement comment il va s’en sortir… 
KT