En deux volets, ce riche documentaire HBO explore l’histoire du petit écran américain où l’éviction des créateurs et des interprètes noirs est un phénomène cyclique. A voir dès le 10/09 sur HBO Max
L’histoire débute par des lauriers bien mérités. Tracee Ellis Ross et Anthony Anderson sont célébrés pour le succès de leur série au long cours au casting entièrement afro-américain: Black.ish. «Tout comme Girlfriends, ce n’était pas la première série entièrement noire de l’histoire de la télévision mais nous espérons que cela va créer des bases solides qui ne pourront plus être balayées d’un revers de la main», soulignent les deux créateurs. «Le fait de ne pas voir de personnes noires sur les écrans nous donnait l’impression de ne pas exister et d’être invisibles.» Cette phrase de la productrice et journaliste Oprah Winfrey a inspiré le titre du documentaire produit par HBO.
Le travail approfondi des réalisateurs Giselle Bailey et Phil Bertelsen remet en lumière cet historique pesant: des générations d’interprètes se sont pliés à des scénarios mal définis et caricaturaux où le rire avait souvent un parfum dégradant.

En deux volets d’un peu plus d’une heure, ce riche documentaire retrace la façon dont plusieurs générations de créateurs et d’interprètes afro-américains se sont battus pour que leurs personnalités, leurs voix et leurs histoires soient connues du grand public. En construisant patiemment leur audience, à travers des spectacles ou des vidéos mises en ligne. En dépassant les rejets et les annulations, en s’inspirant de leur quotidien et des expériences passées. En restant fidèles à leur projet de départ et à leur petite voix intérieure, quoi qu’il arrive…
De mystérieuses et cycliques disparitions du petit écran
Ce film rappelle qu’à l’instar du Prince de Bel Air et du Cosby show, de nombreux programmes ont fait la part belle à la créativité afro-américaine avant d’être déplacés dans les grilles ou déprogrammés une fois les hausses d’audiences engrangées. On ne compte plus les programmes qui ont cédé leur créneau face à l’appel insistant de la pub pour des séries au casting plus blanc ou une offre sportive plus coûteuse mais davantage génératrice de profits.
Bâti sur de nombreuses interviews de personnalités de premier plan et enrichi d’images d’archives précieuses, Seen & Heard offre un tour d’horizons des voix qui comptent dans le secteur audiovisuel américain. Qu’il s’agisse de talk-show avec Oprah Winfrey, de production et de création avec Shonda Rhimes (Grey’s Anatomy, How to get away), Issa Rae (Insecure), Mara Brock Akil (Girlfriends, The Game) ou Lena Waithe (Master of None), première scénariste afro-américaine à avoir été primée pour une comédie.
On y retrouve la chorégraphe et danseuse Debbie Allen (Fame) rappelant les sages paroles de Martin Luther King: « les images ont une dimension politique et doivent prêcher pour une société plus inclusive ». Un constat devenu le mantra d’Oprah Winfrey et de nombreux autres créateurs, enfin intégrés et reconnus pour leur apport au secteur audiovisuel américain.
Ce documentaire n’évolue pas en vase clos. Il fait écho aux remous et scandales qui ont secoué la société américaine: assassinat de Martin Luther king, violences policières, attentats du 11 septembre, procès à l’encontre de Bill Cosby… Le regarder, c’est explorer tout un pan d’Histoire américaine enfin raconté avec davantage de diversité.
Karin Tshidimba
Seen & Heard: the History of Black television de Giselle Bailey et Phil Bertelsen est à voir sur HBO et HBO Max. 2 x 80 minutes.
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