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La mini-série espagnole éclaire avec sobriété et force les mécanismes d’emprise dans un couple et le déni de l’entourage. L’actrice Nagore Aranburu y est bouleversante. La série est à voir dès le 05/06 sur Arte.tv

Après 30 ans de mariage et presque autant d’années passées à prendre soin de deux beaux enfants, Miren (Nagore Aranburu) fuit son domicile et porte plainte contre son mari pour violences conjugales, à la surprise générale de toute sa famille et de leur entourage. Sa décision provoque une véritable déflagration dans la vie de toutes les personnes impliquées, de près ou de loin, dans cette tragédie familiale. Ces accusations graves obligent ses deux fils Aitor (Miguel Bernardeau vu dans la série Elite) et Jon (Ivan Pellicer, également découvert dans Elite), désormais adultes, à choisir entre croire leur mère, ébranlée mais résolue, ou soutenir leur père Inigo (l’intransigeant Pedro Casablanc) qui clame son innocence.

Dans Querer****, drame familial intense, Alauda Ruiz de Azúa, derrière la caméra, démontre avec finesse comment la question du consentement vient réveiller les non-dits et questionner le rapport au réel de toute une famille. Son récit, d’une grande sobriété, est dominé par l’image de Miren (impressionnante Nagore Aranburu), véritable mater dolorosa, qui s’efforce de rester calme et digne, malgré les accusations, les dénigrements et les menaces dont elle fait l’objet. Pour élaborer son scénario pétri de nuances, la réalisatrice a travaillé avec la complicité d’Eduard Sola et de Júlia de Paz.

La série espagnole « Querer » a été sacrée Grand Prix du Festival Series Mania 2025.

En quatre épisodes de près d’une heure, leur narration s’enfonce sous le voile des apparences et explore strates par strates l’historique d’une famille banale en apparence, mais régie par une stratégie de domination insidieuse et de peur. Où le verrou du déni – déni de la souffrance de l’autre, déni de sa propre soumission – peine à sauter. Et face à laquelle la société tarde à reconnaître des comportements inacceptables, en les jugeant « répandus » ou relevant d’une « conception générationnelle ». Les témoins du drame préférant détourner le regard ou feindre d’ignorer que cette « normalité », ce « contrat tacite » ne sont jamais invoqués que par ceux qui les façonnent ou en abusent.

Cette série résonne fortement avec différentes affaires récentes qui ont défrayé la chronique, en France, aux Etats-Unis et ailleurs, dénonçant les violences sexuelles et sexistes dont de trop nombreuses femmes sont encore victimes, y compris au sein de leur couple. On songe bien sûr, notamment, au procès intenté par Gisèle Pelicot, à la suite des abus et agressions orchestrés par son ex-mari.

Face aux pressions de ses proches et à la lenteur de la justice, Miren, isolée et en difficultés financières, hésite, mais ne rompt pas. Le procès s’annonce inévitable… La série, à la fois chronique intimiste et intrigue judiciaire, s’attache au cheminement de ces trois hommes – le père et ses deux fils si différents – face au miroir de leur foyer brisé et à une situation familiale devenue intenable. « Je veux qu’il disparaisse de ma vie et pas continuer à le voir pendant 2 ou 3 ans en raison du procès. »

Produite par Movistar, cette puissante création espagnole a été sacrée Grand Prix du Festival Séries Mania en mars dernier. Une récompense amplement méritée.

Karin Tshidimba

Querer**** Chronique d’une prison conjugale Création Alauda Ruiz de Azúa, Eduard Sola et de Júlia de Paz Réalisation Alauda Ruiz de Azúa Avec Nagore Aranburu, Pedro Casablanc, Miguel Bernardeau, Ivan Pellicer… Sur Arte et Arte.tv Dès le 05/06 (4 x 52’)