Une fois n’est pas coutume, pointons la série documentaire Kerviel: un trader, 50 milliards*** qui retrace ce scandale financier français majeur, en alliant la précision du réel (les témoignages) à la force narrative de la fiction. Une mise en récit percutante et originale signée Fred Garson pour HBO Max. A voir dès le 29 novembre
A le voir assis avec sa chemise en jeans, sur cette simple chaise, au milieu d’un ancien plateau de bureau aujourd’hui désert, on peine à croire qu’il est l’homme qui a fait trembler la France et les places boursières du monde entier.
Jérôme Kerviel raconte les événements qui ont mené à ce sombre jour de janvier 2008 – prolongeant le propos de son livre L’Engrenage paru chez Flammarion) et on est frappé par son apparent détachement, son ton posé, comme si ce qu’il racontait ne lui était pas vraiment arrivé.
Pourtant, ce que découvrent ces employeurs de la Société Générale, en janvier 2008, est une catastrophe sans précédent : un trou supposé de 1,5 milliard qui va mener vers un gouffre plus profond encore. Du jour au lendemain, lorsque la banque française est forcée de reconnaître ses pertes, le nom de ce jeune trader de 31 ans est sur toutes les lèvres, inscrit dans les journaux du monde entier.
Un récit éclairant et limpide
A travers ses quatre épisodes de 45 minutes, la série multiplie les éclairages et les témoignages – dont certains inédits –, dans les coulisses d’un des plus gros scandales de la finance internationale : l’affaire Kerviel, comme on l’appelle bientôt. Du nom de ce jeune « trader-fraudeur » totalement inconnu devenu l’ennemi public n°1 de la Bourse mondiale, du jour au lendemain. La série documentaire retrace le déroulement d’un séisme qui, au travers du tangage de la Société générale, l’une des plus importantes banques françaises, aurait pu provoquer un krach boursier d’une magnitude inégalée.
D’anciens employés, des journalistes, des personnalités juridiques et politiques témoignent, face caméra, de l’angoisse extrême et des émotions exacerbées que cette affaire a suscitées. Parmi les employés interrogés figure Maxime Kahn, un autre trader chargé de solder les 50 milliards d’euros de « positions dangereuses » prises par Jérôme Kerviel afin de permettre à la Société générale de réduire ses pertes à hauteur de 4,9 milliards in fine.
Tout cela pourrait sembler obscur ou abscons, mais Fred Garson (The Dancer) parvient à en faire un récit limpide et passionnant, révélateur des mœurs d’une certaine époque et d’un certain milieu. Tout en s’attachant aux personnalités contrastées des différents protagonistes.
Les dessous de la finance
Pour dessiner les contours de cette affaire, le récit adopte différentes formes, à travers une réalisation visuelle créative. D’abord thriller financier – permettant aux néophytes de découvrir les coulisses du fonctionnement des salles de marché -, il se mue ensuite en feuilleton médiatico-judiciaire où chacun tente de sauver sa peau, mais aussi de ne surtout pas perdre la face. Donnant plus que jamais à la Bourse parfois des allures de casino géant.
Au-delà de l’absence totale de remords de Jérôme Kerviel, réputé “trader agressif”, “accro à la gagne” – qui avoue avoir “toujours été fasciné” par le secteur financier -, ce qui frappe, c’est la façon totalement décomplexée dont les dérives de la finance internationale sont admises et détaillées par ceux qui en ont joué ou les ont observées… Un récit instructif, édifiant.
Cette création originale, au même titre que la série Une Amie dévouée, sur les attentats de Paris de novembre 2015, prouve les ambitions d’HBO Max au sein de l’Hexagone.
Karin Tshidimba
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