Retour sur le parcours protéiforme d’un homme qui se rêvait grand capitaine d’industrie français, mais qui a aussi été chanteur, producteur de télévision et homme politique. Une série à voir dès ce mercredi sur Netflix

”Je suis un prolétaire et alors ?”, clame Bernard Tapie face à ceux qui doutent de son talent et de ses ambitions. Dans la série Tapie**, l’homme d’affaires est au cœur de la nouvelle création française de Netflix, un projet porté par Laurent Lafitte (L’Origine du monde) et Tristan Séguéla (16 ans ou presque) derrière la caméra.

Une série en sept épisodes présentant un “modèle d’homme” qui tente à toute force d’échapper à son milieu d’origine et dont le parcours d’ambitieux et de flambeur pourrait encore éblouir une partie du public (jeune) aujourd’hui. Malgré, ou à cause de, ses nombreuses zones d’ombre.

La série ouvre sur l’arrivée de Bernard Tapie en prison, en 1997, alors que des dizaines de détenus crient son nom en signe de défiance ou, au contraire, d’admiration. Maigre consolation et en même temps, triste épilogue pour un homme qui, toute sa vie durant, a voulu que son talent et son esprit créatif soient reconnus et que son nom s’imprime en grand dans le monde de l’entreprise et sur les murs de la cité.

Dans la mini-série produite par Netflix, Laurent Lafitte, pensionnaire de la Comédie-Française, endosse le costume de l’ancien homme politique et président de l’Olympique de Marseille (OM), décédé en octobre 2021 des suites d’un cancer. Les premiers épisodes permettent de (re)découvrir son environnement, sa famille, ses amis et, surtout, ses rêves d’ascension sociale déjà bien présents.

Un projet dont Bernard Tapie ne voulait pas

La série a déjà fait couler beaucoup d’encre en raison du refus de la famille et des ayants droit de Tapie de donner leur accord au projet de Netflix. Sa femme Dominique, sa fille Sophie et son petit-fils Rodolphe, notamment, ont exprimé leur dépit sur les réseaux sociaux. Un agacement d’autant plus grand que, de son vivant, Bernard Tapie avait refusé le projet proposé par Netflix, arguant que “seul son fils était à même de raconter” son histoire.

Les deux créateurs, Tristan Séguéla et Olivier Demangel, se défendent de tout irrespect vis-à-vis de l’homme et de sa famille. Ce “sera un biopic sur l’homme, plus libre qu’un biopic des faits, avec une part de subjectivité très forte. C’est notre regard sur sa trajectoire. Dès que l’idée est venue, je l’en ai informé parce que je trouvais ça bien de le faire. Mais on n’a pas cherché à avoir son aval ou son avis”, a expliqué le scénariste Olivier Demangel qui a notamment œuvré sur la série politique française Baron Noir.

À en juger par les cinq premiers épisodes, de facture plutôt classique, l’image qui est donnée de l’homme d’affaires est pourtant loin d’être négative et pourrait même lui apporter la sympathie de nombreux téléspectateurs. Les premiers épisodes, ancrés à la fin des années 60 – et présentés en compétition dans le cadre du Festival CanneSeries -, livrent le portrait d’un jeune homme jamais en panne d’idée, roublard mais sympathique, doté d’un bagout et d’une énergie impressionnante. Un esprit audacieux, à l’importante soif de réussir et d’entreprendre, qui pense que la chance se provoque et que “les règles sont là pour être contournées”. Quitte à flirter avec les limites de la légalité et à traîner quelques casseroles à sa suite.

Il voulait imposer la marque Tapie

Fils d’un plombier-chauffagiste et d’une femme au foyer, le jeune Bernard affirme très tôt ses ambitions, que ce soit dans l’univers de la chanson ou dans le monde des affaires, avec une capacité à imaginer des “business plans” complexes et audacieux. Une ambition que sa première femme Michèle, campée par Ophélia Kolb, aura parfois du mal à suivre.

Sa rencontre avec Dominique Damianos qui deviendra sa deuxième épouse (rôle endossé par Joséphine Japy), semble libérer chez Bernard Tapie le refus de s’avouer vaincu et de renoncer à ses rêves. Jugé mégalo par beaucoup, Tapie se battra toute sa vie contre sa réputation de nouveau riche, de “parvenu excessif, n’ayant pas les codes”.

”Le projet, c’est le portrait d’une légende. L’histoire d’un mec qui, dès son adolescence, avait décidé de faire de son nom une marque” résume Laurent Lafitte. Sous le brushing et le costume, on retrouve le bagout, la tchatche et le culot de l’homme d’affaires français à qui rien ne semble devoir résister. Mais qui, malgré son charme et sa gouaille, a fini par se brûler les ailes.

De l’ascension fulgurante à la chute vertigineuse, la mini-série, baptisée Wonderman à l’international, sera disponible à partir du mercredi 13 septembre sur Netflix.

Karin Tshidimba