Il suffit de croire en soi et de sortir du rang pour que la magie se produise. La preuve avec Michelle MacLaren, Marti Noxon et Susanne Bier qui figurent parmi les six réalisatrices inspirantes de la collection « The Art of Television ». A voir aussi ce dimanche à 16h25 sur Be 1

X-Files, Breaking Bad, The Walking Dead, Game of Thronesle CV de Michelle MacLaren a de quoi faire pâlir d’envie pas mal de réalisateurs confirmés… D’autant qu’à voir cette blonde menue et souriante, on ne penserait pas spontanément qu’elle est la réalisatrice de séries aux univers aussi sombres et musclés.

C’est assurément de sa fascination pour Il était une fois dans l’Ouest (1968) que lui vient son goût pour les personnages et la géographie. Un style qui est un « mélange de poésie, de force et de profonde humanité », selon les dires du comédien Michael Chiklis.

Michelle MacLaren est aussi la magicienne des longues scènes sans paroles, tout juste portées par la force de la musique. Un style qu’elle définit notamment par le recours à la narration subjective. « Comment donner l’impression au spectateur qu’il est dans la tête du personnage ? » interroge-t-elle. Plongée et contre-plongée, influence du western et de Sergio Leone en particulier: la pétillante Canadienne passe en revue les images et créateurs qui l’ont influencée.

Rappelant que tout dépend toujours de la narration, du genre, du style et du ton de la série que l’on souhaite créer. Pour appuyer son propos, la réalisatrice évoque les plans qu’elle a conçus seulement pour The Walking Dead, mais aussi de ceux qu’elle imaginait pour Breaking Bad et ne proposerait jamais dans Game of thrones. Chaque série ayant son univers singulier, son ADN. Passionnant…

« Oser », le mantra de Marti

Avant d’oser devenir réalisatrice, Marti Noxon a été actrice, puis scénariste et productrice. Dans ce « milieu masculin très condescendant et branché sur la technique » (sic), elle ne trouvait pas sa place. D’autant qu’elle ne « recevait aucun soutien et ne pouvait s’appuyer sur aucun modèle féminin. Personne ne parlait d’Ida Lupino dans nos cours à l’époque », rappelle-t-elle.

« Le fait de se sentir prête et d’avoir rassemblé petit à petit les connaissances nécessaires n’empêche pas la peur de vous envahir au moment de se lancer dans une nouvelle aventure » précise-t-elle, sourire en coin.

Marti Noxon, réalisatrice de la série « Buffy contre les vampires ».

Très honnête et transparente, Marti Noxon n’hésite pas à faire le lien entre les séries sur lesquelles elle a travaillé et ses propres expériences: les événements qui ont jalonné sa vie et ont défini la femme qu’elle est aujourd’hui. Cette connexion « intime » avec le ressenti des personnages a fait d’elle « une meilleure scénariste et réalisatrice », elle en est convaincue.

Son interview est enrichie des témoignages de deux acteurs avec lesquels Marti Noxon a travaillé sur les séries Buffy et Dietland, fictions qui ont toutes les deux marqué, à leur manière, l’histoire des séries. Ses trois conseils immuables: ne pas laisser la technique écraser les émotions, affirmer sa vision des choses, mettre un terme à l’excès de compromis.

Susanne Bier et les grands espaces

Avant d’arriver à la réalisation, Susanne Bier a étudié l’architecture et conserve un rapport très particulier, très intime avec l’espace, tout en étant consciente que « les vastes espaces ouverts peuvent augmenter l’angoisse d’une personne » même si « c’est un outil précieux en termes de narration visuelle ».

The Undoing, The Night Manager, Things we lost in the fire, A Second chance… A travers chacune de ces réalisations, on perçoit cette attention particulière accordée à l’espace, mais aussi des qualités artistiques, un ton et un style qui « vont parfaitement de pair avec l’élégance de l’écriture de John Le Carré », souligne l’acteur et producteur Hugh Laurie, rendu mondialement célèbre par son personnage dans Dr House. Et dont la prestation acerbe a été remarquée dans The Night Manager.

Cette Danoise, passée du grand au petit écran, se singularise par « sa grande franchise et son honnêteté à toute épreuve », soulignent Lily Rabe (American Horror Story) et Hugh Laurie qui ont adoré travailler avec elle.

Fan de l’immensité et de son rendu à l’écran, la réalisatrice l’est aussi des gros plans, notamment sur les yeux des personnages… Un contraste qui peut se révéler saisissant. La réalisatrice accorde également une importance capitale au rythme qui régit ses scènes et leur donne leur musicalité. Passionnée par l’étape du montage, Susanne Bier aime jouer des filtres et de couleurs particulières durant le tournage, passant de l’objectif à décentrement aux flous artistiques pour traduire la confusion, le chaos intérieur de ses personnages.

« Ne laissez jamais les autres définir vos objectifs », conseille-t-elle aux futur(e)s cinéastes et réalisateurs ou rélisatrices. La méthode est imparable, Susanne Bier en est la preuve vivante.

Karin Tshidimba