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Entre satire et thriller, une comédie finlandaise audacieuse met une femme au pouvoir et teste les limites de la polyandrie (la polygamie en version féminine). Doublement primée à CanneSéries, elle est à voir sur Be à la demande et sur Be séries dès mardi à 20h30

Ce n’était pas vraiment un rendez-vous et cela aurait pu rester une rencontre sans lendemain, mais Juho (Pekka Strang) intrigué par l’indépendance et la grande liberté d’esprit de Maria, séduisante trentenaire, décide de tenter de la revoir. L’apercevant en compagnie de différents hommes, il se met immédiatement en quête de décrypter son emploi du temps et découvre qu’il est rythmé par ses multiples amants.

A chacun ses qualités

Maria (Krista Kosonen), PDG d’une entreprise familiale installée à Helsinki, n’en fait pas mystère: pour régler le problème des relations amoureuses insatisfaisantes et éviter tout attachement émotionnel excessif, elle vit avec sept hommes différents. A chacun son profil bien défini (pompier, coach sportif, survivaliste, artiste de stand-up, poète, père de famille idéal et cuistot) à chacun son jour de la semaine prédéfini. Sans débordements, ni risque d’ennui pour la demoiselle qui camoufle cependant difficilement ses propres doutes et failles.
En tentant de s’attacher l’attention et l’affection exclusive de Maria à toute force et en remettant en question l’ordre des jours dévolus à chacun, Juho, ingénieur de formation, déstabilise ses concurrents et les rend tous jaloux, grippant du même coup une machine jusqu’alors bien huilée.

Aidé par l’ex-Lundi (Olli Rahkonen), mis à pied pour ses beaux yeux et bien décidé à se venger des six autres amants qui ne l’ont pas défendu, Juho se met en tête de tous les évincer. Son quotidien prenant des allures de jeu de massacre.
“On attend tous tellement de notre partenaire que cela peut sembler une bonne solution de choisir chaque relation en fonction de critères et de qualités particulières”, analyse la comédienne principale Krista Kosonen. “Et, au début, la petite organisation de Maria semble même fonctionner à merveille.” Mais la jalousie et le besoin ou l’envie d’exclusivité viennent rapidement dynamiter ce qui pouvait sembler parfaitement équilibré jusque là.

Exclusivité ou partage ?

Au-delà de son thème innovant, et à contre-courant, de la recherche de l’homme idéal – qui donne tout pouvoir à la jeune femme face à ses sept amants -, l’autre grande originalité de cette série finlandaise, crée par Teemu Nikki et Jani Pösö, est d’être produite en Noir et Blanc. Cela lui offre d’emblée une profondeur particulière et accentue l’atmosphère singulière très stylisée de cette comédie noire et grinçante où affleurent les références iconographiques et les archétypes. Le soin particulier accordé à la photographie et aux costumes donne instantanément un statut de film noir et fatal à Mister 8★★★, satire en 8 épisodes. Un style qui cadre forcément bien avec les dérapages incontrôlés bientôt engendrés par cette relation polyamoureuse peu banale.
Entre jalousie et désenchantement, cynisme et résignation, cette fiction originale nordique redessine la carte du tendre en y intégrant de nombreuses touches d’amertume. Où la comédie romantique flirte avec les frontières de l’absurde et du thriller sous tension. Et offre un écho particulier à notre époque toujours en quête de performances et de comparaisons, dans la vie ordinaire mais aussi dans le cadre des relations personnelles. Un propos sociétal dont la profondeur souffre par moments du trop grand nombre d’ellipses et de ruptures observées au cœur du scénario.
“Je ne sais pas si on peut dire que cette série est féministe, confiait son créateur Jani Pösö en octobre dernier. C’est une série égalitaire, je pense, mais c’est surtout une sorte d’essai sur le narcissisme contemporain.”

Doublement primé à CanneSéries

Présentée en compétition lors de l’édition 2021 du Festival CanneSéries, Mister 8 a emballé le jury, présidé par le comédien Nikolaj Coster-Waldau (Game of Thrones) qui s’est dit séduit par “l’originalité et le regard décalé sur les relations homme-femme” proposé par cette comédie finlandaise “révélant, dans un Noir et Blanc expressif, les désirs inavoués de huit hommes confrontés à une femme puissante” (Krista Kosonen). Sacrée meilleure série de la compétition, Mister 8 a également conquis le cœur de la critique.
La série imaginée par Teemu Nikki et Jani Pösö, s’est même offert un joli doublé puisque son comédien principal Pekka Strang, qui campe Juho, le huitième amant trouble-fête qui bouleverse le quotidien de la belle Maria, a été récompensé du Prix d’interprétation.

Karin Tshidimba