A travers trois événements marquants, Aaron Sorkin retrace l’histoire d’une série iconique et la vie d’une des plus célèbres « housewives » d’Amérique : Lucy Ricardo, alias Lucille Ball. Un film, qui dévoile les coulisses d’une série, à voir dès ce mercredi sur Amazon Prime Video.

Lundi matin, dans les studios de CBS. Toute l’équipe d’I love Lucy prépare l’enregistrement du vendredi : l’épisode 204, soit le 4e épisode de la saison 2 du programme le plus populaire aux Etats-Unis. Autour de la table de lecture, l’ambiance est tendue car la veille, dans son émission radio, un fameux présentateur a affirmé que Lucille Ball (Nicole Kidman), interprète du personnage principal de la série, est communiste… Une révélation qui sonne comme une déflagration dans le ciel de l’Amérique de McCarthy (et Edgar Hoover). Une nouvelle qui tombe d’autant plus mal que le magazine Confidential affirme que Desi Arnaz (Javier Bardem), partenaire de Lucille à la ville comme à la scène, lui est infidèle.

Pour bien comprendre la portée de cette double nouvelle, il faut cerner le « phénomène » I love Lucy. « Aujourd’hui un programme qui a du succès attire 10 ou 15 millions de téléspectateurs alors que cette sitcom, enregistrée en public chaque semaine, avait 60 millions de fidèles », rappelle Jess Oppenheimer, producteur exécutif et principal scénariste de la série. Pendant près de six ans, cette sitcom était incontestablement la plus populaire de la fin des années 50. Certains magasins fermaient d’ailleurs plus tôt le lundi soir, faute de clients.

Lucille Ball, pionnière de la télévision US

Quant au combat de Lucille Ball, femme indépendante et pionnière de l’industrie, pour imposer une autre image de la femme au foyer au fil de 180 épisodes, il a fait date dans l’Histoire de la télévision US. Dans le film réalisé et conçu par Aaron Sorkin, ce sont trois des chevilles ouvrières de cet immense succès (les scénaristes Jess Oppenheimer, Bob Carroll Jr et Madeline Pugh) qui retracent face caméra le déroulement d’une semaine qui fut celle de tous les dangers pour « Ricky et Lucy ».

On connaît les formidables qualités de conteur et le sens de la répartie et du suspense d’Aaron Sorkin qu’il travaille pour le petit (The West wing) ou le grand écran (The Social Network, Les 7 de Chicago). Porté par la magnifique photographie de Jeff Cronenweth, le scénariste de Being the Ricardos*** y tisse un récit agile, rythmé et habilement charpenté mêlant le présent – les trois « affaires » qui, en l’espace de quelques jours* ont secoué l’équipe d’I Love Lucy – tout en retraçant la genèse d’un couple qui défraya la chronique de 1951 à 1957.

Les deux visages d’une femme moderne

Nicole Kidman et Javier Bardem endossent les rôles des époux volcaniques avec une énergie et un charisme emballants. En cuban lover et directeur de production intraitable, Javier Bardem est confondant de vérité. Quant à Nicole Kidman, elle a travaillé son look de vamp dans les moindres détails et éblouit dans le rôle de la star de télévision et redoutable négociatrice à deux doigts de tout perdre – carrière, mariage et réputation -, en l’espace de quelques jours. Trac, joie, jalousie, ressentiment, tristesse, colère: il n’est pas une émotion qui n’illumine pas ses prunelles (sur son visage désespérément impassible) tandis qu’elle se bat pour imposer ses idées.
Première femme à s’afficher sur le petit écran dans une union interculturelle, Lucille Ball fut aussi la première à imposer un autre type d’humour féminin et de regard sur la femme, notamment en imposant sa grossesse sur le plateau, ce qui ne s’était jamais fait auparavant en télévision.

Le film souligne non seulement le contexte de l’époque – la chasse aux sorcières en cours au pays de l’Oncle Sam et les combats féministes de Lucille -, mais éclaire aussi les rouages des grands studios et du showbiz qui ont vu l’ascension tardive de Mrs Ball. Le film passe en revue les nombreux écueils qui se dressaient sur la route des actrices à la fin des années 50 et qui ont failli emporter Lucille Ball : sexisme, hypocrisie, pudibonderie. Pas sûr que ces travers aient complètement disparu aujourd’hui… Autant d’éléments qui devraient donner envie de (re)découvrir la série…

Karin Tshidimba

* Si tous ces faits sont véridiques, dans la réalité, ils ne se sont pas produits dans un laps de temps aussi rapproché.